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Tout près de l’enfant, sur une seconde face du chapiteau, est une figure qui paraît être le bon pasteur relevant la brebis abattue, allégorie qui fortifie et complète le sens de la première. Ces deux natures ainsi opposées dans des chapiteaux différens sont réunies et placées souvent côte à côte dans le même chapiteau pour que le contraste soit en quelque sorte mieux accusé. Ici j’aperçois juxtaposés un singe et un ange. Ailleurs deux figures qu’on reconnaît, à ne pas s’y méprendre, pour le génie du bien et pour le génie du mal. Il est encore un symbole qui revient bien souvent, celui de la vigne, du raisin, de la coupe, et il n’est pas bien difficile de reconnaître que, par ces symboles de l’eucharistie, l’artiste, ou plutôt celui qui guida sa pensée, a voulu indiquer le moyen de rachat toujours présent et toujours efficace par lequel l’âme humaine retirée du vice originel peut s’empêcher d’y retomber. J’insiste sur l’interprétation de ces chapiteaux, parce qu’il se rencontre des connaisseurs d’ailleurs souvent fort judicieux qui s’obstinent à ne vouloir attribuer qu’à la fantaisie des artistes ces décorations des chapiteaux romans. J’ai eu le regret de trouver que Mérimée était trop souvent du nombre de ces connaisseurs ; il ne lui a pas échappé cependant que la plupart de ces figures sont symboliques, mais ces allégories, dont le sens crève les yeux, il les déclare, qui le croirait ? d’une interprétation très difficile aujourd’hui. Il est mieux inspiré lorsqu’il trouve à ces chapiteaux une étroite ressemblance avec ceux de Saint-Julien de Brioude. C’est à croire en effet que ce sont les mêmes confréries d’artistes qui ont sculpté les uns et les autres, fait qui n’a d’ailleurs rien de fort étonnant lorsqu’on songe à la faible distance qui sépare Mozat de Brioude.

Quelques curiosités sont à noter dans l’église de Mozat. La plus remarquable consiste en deux chapiteaux séparés de leurs colonnes, débris probables de quelque ancienne reconstruction, qu’on a placés aux deux côtés de la porte principale. L’un de ces chapiteaux représente les scènes du tombeau et de la résurrection dans un style entièrement semblable à celui des chapiteaux de Saint-Paul d’Issoire. Le second chapiteau, une chose admirable, représente des figures de fantaisie, purement décoratives, deux par chaque face, à genoux, se tournant le dos et se rejoignant par les pieds, dont ils présentent les plantes en l’air comme deux sortes de supports vides que caressent sur l’une des faces une pomme de pin, sur l’autre une fleur dont le calice s’ouvre en forme de lèvres, sur la troisième une plante à trois pétales, dont l’une les enlace en forme de langue végétale. C’est le plus grand style possible de l’art décoratif que ce chapiteau, qui est à enlever, quelque jour où on aura une minute pour y penser, et à transporter à l’École des Beaux-Arts. Les