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d’apprentissage. C’est la même scène, mais avec un sentiment de pureté, de candeur et de vraie piété qui triomphe de l’infériorité relative de l’exécution. Pendant que le saint ménage travaille en plein air dans la cour du charpentier, de petits anges invisibles sans doute aux personnages, car ceux-ci ne semblent pas les apercevoir, montent et descendent les escaliers de la petite maison, dont ils paraissent avoir l’habitude autant que du séjour du ciel. Ces anges, qui sont là comme chez eux, c’est le symbole charmant de l’habitude des bonnes pensées et du régime des bonnes mœurs. Ces bonnes pensées ne relèvent ni de l’inspiration momentanée, ni de la faveur intermittente de la grâce ; ce ne sont pas des visites passagères de l’esprit, c’est l’atmosphère même qui enveloppe les personnages qui se lèvent avec elles, préparent avec elles leurs repas, manient l’aiguille ou le rabot avec elles, vaquent avec elles aux soins les plus humbles du ménage, l’atmosphère qu’on peut observer autour des personnes qui ont mené une vie religieuse obscure et tranquille, celle que j’observai moi-même un jour dans la petite ville de Neuwied sur le Rhin autour d’une vieille sœur morave que je trouvai ratissant de vulgaires carottes, et dont le visage était tout lumineux de l’empreinte qu’y avait laissée une longue vie mystique. Vous connaissez cet épisode du Wilhelm Meister de Goethe intitulé la Fuite en Égypte, ce ménage de pieux ouvriers rencontré par Wilhelm pendant ses années de voyage, et qui par les âges, les caractères, les attitudes, les similitudes d’aventures et de situation, présente une combinaison de circonstances qui reproduit jusqu’à l’identité la sainte famille traditionnelle ? Eh bien ! cette petite toile du musée de Riom, c’est la sainte famille de Wilhelm Meister marquée du sceau démocratique du protestantisme des Pays-Bas.

L’église de Saint-Amable est la plus ancienne et la plus importante des églises de Riom, et cependant elle nous occupera peu. C’est affaire aux archéologues de discuter la date de son origine, et la raison des styles si contraires qui s’y rencontrent. Selon Savaron, elle ne remonterait pas plus haut que le commencement du XIIe siècle, et aurait été le résultat d’un vœu d’Étienne, sixième du nom, évêque de Clermont, qui, assiégé dans le château de Riom par le comte d’Auvergne de cette époque et attendant le secours de Louis le Gros, promit à saint Amable qu’il lui élèverait une superbe église s’il garantissait le château. Selon Mérimée au contraire, elle devrait remonter au commencement du XIe siècle, bien qu’il ne lui découvre pas d’existence authentique avant 1077, année où elle fut donnée à un collège de chanoines. Peut-être ces dates sont-elles plus conciliables qu’il ne semble, et Saint-Amable est-il le produit de plusieurs époques très rapprochées l’une de l’autre, ce qui expliquerait les différences de style qui se rencontrent dans cet