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sont-ils élevés et que deviennent-ils ? « Ils sont d’abord, dit M. B.-B. Remâcle[1], entre les mains de cultivateurs qui les emploient à la garde du bétail ou à d’autres usages domestiques, quand ils ne les font pas mendier. Bien jeunes encore, ils gagnent à la sueur de leur front le morceau de pain qu’ils reçoivent, en butte aux brutalités de leurs maîtres, bien plus que l’objet de leurs attentions. Ne nous hâtons pas de les plaindre ; la vie qui se prépare pour eux sera dure, et ils ont besoin de s’y faire ; mais cette ignorance profonde dans laquelle ils ont vécu jusque-là, est-ce à la suite d’un troupeau ou auprès de nourriciers aussi ignorans qu’eux qu’ils en sortiront ? .. Dans les 12,000 enfans placés à la campagne par les hospices de Paris en 1821, il ne s’en trouva que 1,500 qui apprissent à lire et à écrire. Cependant la connaissance de ces élémens devant les rendre plus utiles à leurs maîtres, ceux-ci étaient intéressés à la leur donner. Si les inspecteurs eussent recherché combien, parmi ces malheureux, savaient leur catéchisme, nous craignons que le nombre n’en eût été trouvé encore plus restreint. » Voilà comment on les élève. Ce qu’ils deviennent, la statistique officielle ne se donne point la peine de nous en informer. Elle a bien d’autres affaires ! Ne faut-il pas qu’elle suppute avec une précision mathématique le nombre des œufs de poule qui s’exportent chaque année de France en Angleterre, et les paquets d’aiguille que l’Angleterre nous fournit en échange ? Mais voici des indications qui peuvent, jusqu’à un certain point, suppléer à cette lacune de la statistique officielle. « Je suis convaincu, lisons-nous dans un mémoire de M. de Bondy, préfet de l’Yonne, que si l’on recherchait l’origine de tant de jeunes vagabonds qui se présentent fréquemment dans les préfectures pour y obtenir des secours de route, c’est-à-dire le moyen d’errer en France, sans but et sans espoir déterminés, il se trouverait qu’un fort grand nombre d’entre eux sont des enfans trouvés dont se débarrassent ou s’inquiètent peu leurs offices respectifs, parce qu’ils ont atteint l’âge passé lequel les pensions cessent d’être payées[2]. » D’un autre côté, Parent-Duchatelet, dans son livre sur la prostitution dans la ville de Paris, assure que sur 1,183 filles nées à Paris et sur l’origine desquelles on a pu avoir des renseignemens, il y a 946 enfans légitimes et 237 enfans naturels, soit le quart environ. Il faut bien convenir que ces renseignemens ne sont point propres à faire souhaiter que tous les

  1. Des Hospices d’enfans trouvés en Europe et principalement en France depuis leur origine jusqu’à nos jours.
  2. Mémoire sur la nécessité de réviser la législation actuelle concernant les enfans trouvés et abandonnés et les orphelins pauvres.