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et aux Babyloniens se trouve dans cette curieuse circonstance qu’une bonne moitié des textes cunéiformes que nous possédons aujourd’hui se compose de vocabulaires et de syllabaires évidemment destinés à seconder une très pénible étude.

On ne saurait affirmer que toutes les traductions de cunéiformes proposées aujourd’hui par les plus sérieux assyriologues soient à l’abri des doutes et des contestations ; on peut dire du moins que certaines épreuves par eux subies, alors par exemple que plusieurs d’entre eux, traduisant chacun isolément un même texte, obtenaient des résultats identiques, ont augmenté à bon droit la confiance. Nous avons désormais, pour nous faire une idée de la civilisation assyrio-babylonienne comme pour ce qui concerne l’Égypte, un très grand nombre de documens variés. Ceux qui intéressent l’histoire ou la littérature religieuse figurent dans un très curieux recueil que nous aurions pu citer aussi pour l’égyptologie, et dont les volumes aujourd’hui parus ont suivi non pas la publication, mais du moins la rédaction de l’œuvre de M. Maspero. Nous voulons parler des Records of the past, série préparée par les soins et aux frais de la Société biblique de Londres pour faire connaître tous les morceaux traduits des textes hiéroglyphiques ou cunéiformes qui peuvent éclairer la primitive histoire des sociétés humaines. Les érudits de tous les pays sont conviés à cette œuvre commune ; les documens y sont donnés avec une traduction anglaise en face du texte, avec des notes et une courte introduction. C’est là qu’il faut désormais chercher ces feuillets épars de littératures ou d’annales qu’on avait lieu de croire à jamais perdues pour l’humanité. L’émotion fut grande en Angleterre, où les problèmes d’antiquités religieuses sont toujours attentivement étudiés, quand on apprit, ces dernières années, qu’un des employés du Musée-Britannique venait de trouver et de traduire un long texte cunéiforme, donnant à sa manière une version très ancienne d’une des traditions sur le déluge. M. G. Smith, devenu par là promptement célèbre, poursuit l’interprétation des innombrables textes que lui fournit la bibliothèque du roi Assour-bani-pal, trouvée par M. Layard dans les ruines de Ninive, et rapportée au musée de Londres en plus de dix mille tablettes d’argile couvertes d’une écriture cunéiforme cursive, très fine et très serrée. Il y a de tout dans cette bibliothèque : des récits de campagnes et de victoires (M. G. Smith en a tiré un volume in-quarto qu’il a intitulé Annales d’Assour-bani-pal), des prières aux dieux, des hymnes, des fragmens mythologiques, des écrits sur la politique et le gouvernement, des répertoires de géographie, des traités de science et particulièrement d’astronomie. C’est dire que les assyriologues interprètes des cunéiformes ne sont pas assez nombreux ; la récolte des textes