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de M. Layard venus à la traverse après la révolution de 1848, les explorations françaises reprises en 1851 ; — les musées de Paris et de Londres se sont inégalement enrichis à la suite de ces diverses missions : nous avons conquis de majestueux débris du palais du roi Sargon ; le Musée-Britannique a obtenu un nombre considérable de petits monumens aussi intéressans au point de vue de l’art qu’utiles pour la philologie et l’histoire. Une expédition française fut aussi dirigée en 1851 vers l’emplacement de Babylone ; mais la nature du sol et des constructions locales, faites en pisé, n’avait laissé que d’informes et friables décombres, où M. Oppert put toutefois recueillir des cylindres gravés et de menus objets, sans compter les importantes données topographiques dont il a tiré si bon parti dans son intéressant ouvrage sur l’Expédition en Mésopotamie.

Le meilleur profit de ces explorations était non pas.de rapporter des taureaux ailés et des fragmens d’architecture appartenant au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, mais d’accumuler des textes cunéiformes pouvant nous révéler une antiquité bien plus, reculée et instruire non-seulement l’historien, mais aussi le philologue. D’où venait ce singulier système d’écriture ? Quel peuple l’avait le premier pratiqué ? Se reliait-il par de secrètes et primitives analogies au système adopté par l’Égypte ? Était-il l’attribut particulier de la race touranienne et des peuples accadiens ? Les études spéciales qui se rapportent à ces diverses questions ont accompli dans ces dernières années de tels progrès que M. Maspero ne fait pas difficulté d’enregistrer déjà dans son résumé d’histoire générale quelques-unes des réponses proposées. Il ne donne pas toutes ces réponses pour définitives, assurément ; mais il les tient pour sérieuses, pour acceptables en partie, et, chemin faisant, il peut en effet signaler des résultats désormais dignes d’être admis par la science. Il a fort bien montré en particulier que les caractères cunéiformes ont remplacé des signes représentant, comme les primitifs hiéroglyphes, les images des objets désignés ; l’abréviation et la corruption de ces caractères ont finalement abouti à l’unique emploi d’un signe qui représente le clou, cuneus, à cause de la matière sur laquelle, dans ces contrées, on était obligé d’écrire. On n’avait ni papyrus, ni écorce, on n’avait qu’une argile facile à pétrir et dont on faisait des tablettes ; sur ces tablettes, avant qu’elles ne fussent entièrement séchées, on écrivait avec un style taillé en biseau ; une patiente étude retrouve dans les groupes de signes ultérieurement employés les équivalens de certaines formes qu’on avait voulu figurer d’abord. L’emploi des polyphones venait ajouter à l’obscurité d’un pareil système, et la preuve des embarras qu’il suscitait même aux Assyriens