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prémunir contre certains périls, car nul esprit n’est plus scientifique, nul en même temps n’est plus sincère, plus clairvoyant dans les choses antiques et plus réservé. Il est très intéressant de le voir quitter ses études spéciales pour résumer dans un manuel les résultats acquis jusqu’à ce jour par la science. C’est ici qu’éclate le triomphe de cette science moderne — ou, pour mieux dire, contemporaine, puisque ses principales découvertes, pour ce qui regarde l’ancien monde oriental, datent tout au plus des cinquante dernières années. Que dirait aujourd’hui le vieil Hérodote, si de retour sur la terre il refaisait son voyage d’Assyrie ou d’Égypte ? Quel serait son étonnement de voir interpréter par les descendant de barbares innomés ces écritures hiéroglyphique et cunéiforme que les savans et les prêtres de son temps ne comprenaient déjà plus sans doute et ne pouvaient plus qu’à peine lui expliquer ! Ce n’est pas au livre d’Hérodote seulement, c’est à celui de Rollin que l’on peut comparer le nouveau volume sans diminuer de beaucoup l’effet des contrastes ; l’œuvre de M. Maspero est bien choisie pour cette expérience : il enregistre à chaque page des interprétations ou des faits qui paraissent pour la première fois dans un ouvrage de vulgarisation et d’histoire générale.


I

Il est particulièrement intéressant de lire dans ce volume les chapitres qui traitent de l’histoire de l’ancienne Égypte, d’abord à cause du nouvel aspect que les découvertes récentes, ont donné à cette histoire, et puis parce que l’auteur a contribué pour sa bonne part à ces découvertes, et se trouve ainsi tout prêt à les bien juger et à les bien exposer. Depuis près de dix années, M. Maspero, digne élève de M. de Rougé et bientôt maître lui-même, a travaillé sans relâche, avec une rare sagacité, au déchiffrement des documens hiéroglyphiques ; il a fait connaître, en les traduisant et en les commentant, soit dans sa chaire du Collège de France, soit dans un grand nombre de recueils savans, une foule de textes qui n’étaient pas encore entrés dans la science ; il a prétendu même un jour, dans sa thèse de docteur[1], nous initier aux secrets du « genre épistolaire » de l’époque pharaonique, entreprise un peu prématurée, les papyrus qu’il avait à sa disposition ne lui révélant encore nulle Sévigné, nul Voltaire, rien que des scribes pédans, habitués à varier par des détails instructifs peut-être, mais singulièrement monotones, d’éternels formulaires. En somme, il n’est presque pas une des pages concernant l’Égypte dans le volume de M.

  1. Du Genre épistolaire chez les anciens Égyptiens, un vol. in-8o, Franck, 1872.