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enlèvemens de femmes, d’Io et d’Hélène par les Asiatiques, d’Europe et de Médée par les Grecs, antiques agressions, antiques revanches, par où s’inaugurait la lutte destinée à s’achever aux journées de Marathon, de Salamine et de Mycale. Poète, il l’est sans cesse par sa vive imagination, par ses impressions religieuses, par son style imprégné des souvenirs d’Hésiode et d’Homère ; il représente ce moment littéraire et moral où de la poésie épique s’est détachée l’histoire. — Historien proprement dit, il l’est déjà par sa sérieuse recherche de la vérité, par sa critique réfléchie, par sa science acquise, par son regard étendu et son intelligence sereine. Fier du triomphe remporté par le génie hellénique et ionien, ; il entreprend de raconter la lutte entre les Perses et les Grecs ; mais, pour mieux faire ressortir la gloire des vainqueurs, il veut donner la mesure du colosse barbare. Il retrace donc l’histoire de ce vaste empire des Perses, qui a fini par dominer toute l’Asie antérieure avec l’Égypte, et par mettre un pied sur l’Europe orientale. Chaque fois que dans le cours de cette histoire il rencontre une nouvelle conquête du grand roi, Médie, Lydie, Assyrie, Babylonie, Égypte, il reprend, depuis la plus haute antiquité à laquelle il puisse atteindre, les annales du peuple conquis, et par l’accumulation de cette puissance il accroît la honte de sa défaite. Voilà le but moral de son œuvre. Ce qu’il a réuni de connaissances diverses au prix de voyages lointains et difficiles est surprenant, mais laisse voir pourtant ses promptes limites. De même que le nom de Rome n’est pas prononcé dans son livre, bien qu’il y soit question de la Grande-Grèce, de même le monde hébraïque lui échappe en Orient, à moins que son Histoire d’Assyrie, aujourd’hui perdue, n’ait pu contenir quelques données à ce sujet. Il est bien entendu aussi que, sauf un petit nombre de vagues indications sur l’Inde, l’Asie orientale lui est restée entièrement inconnue ; surtout il a ignoré les langues de l’Orient, de manière à demeurer, malgré sa vive intelligence aveugle à tant de témoignages écrits ou figurés. Tel qu’il est, son précieux ouvrage nous offre, pour la période qu’il a embrassée, un cadre à peu près complet de l’histoire orientale classique, c’est-à-dire de l’histoire des peuples, de l’ancien Orient qui se sont trouvés en rapports directs avec la Grèce.

Comment la science moderne, comment la science de nos jours se comportera-t-elle envers de pareils sujets ? La distinction d’un domaine proprement classique subsistera-t-elle à ses yeux, ou bien aura-t-elle découvert des relations, non connues d’Hérodote lui-même entre l’extrême Asie et la Grèce ? Nous pouvons juger de ces questions et de bien d’autres par le nouveau résumé de l’Histoire ancienne des peuples de l’Orient que vient de publier un jeune et habile savant, M. Maspero, Éminent égyptologue, orientaliste au