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LA
CULTURE DU COTON EN EGYPTE
ET LES FILATEURS ANGLAIS


I

Il y a longtemps que l’Égypte n’est plus le grenier de l’Europe ; d’autres pays sur le vieux continent et dans l’Amérique du Nord ont le privilège de combler les lacunes qui se manifestent dans les récoltes du globe. Ce privilège est la juste récompense des efforts d’une agriculture libre et intelligente, qui a su se débarrasser des entraves du despotisme en dirigeant la production vers la quantité sans jamais cesser de viser à la qualité. En Égypte, on produit peu et de qualité médiocre sur un sol admirablement approprié à la culture des grains et des semences oléagineuses. Le froment de la vallée du Nil est chargé de terre, mal récolté et préparé, et tellement saturé de sels hygrométriques que la conservation en est presque impossible ; il devient aussitôt la proie des charançons. Les semences de fin renferment toujours de 20 à 30 pour 100 de graines de moutarde et autres graines étrangères, et la culture du sésame est à peu près abandonnée. L’indigo de la Haute-Égypte, d’une teinte parfaite, est brûlé et terreux, et l’opium, tiré des mêmes provinces, du Saïd, contient plus de feuilles et de suc de laitue que de larmes de pavot ; mais, de tous les produits de ce pays prédestiné et si fertile, le coton mako ou d’Égypte est celui qui intéresse le plus l’industrie occidentale. La guerre de sécession a tellement dérangé l’assiette économique de l’offre et de la demande que la répétition très possible d’une calamité pareille ne nous trouverait pas mieux préparés. Aussi l’Europe est-elle attentive à toutes les circonstances morales et matérielles qui pourraient influer sur la production générale de cet article.