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qui avaient provoqué son intervention, aux espérances qui l’avaient saluée. Pour rassembler ces richesses et en doter l’Angleterre, de simples citoyens n’avaient reculé devant aucun effort, aucune dépense ; n’était-on pas en droit de s’étonner que le parlement se montrât un si indolent et faible continuateur de l’œuvre si vaillamment commencée ? De tant d’hommes éminens qui en dirigèrent les délibérations, aucun ne paraissait même soupçonner ce que pouvaient être les besoins du musée et ce que rapporterait au pays l’argent qui serait dépensé pour les satisfaire. Quand on jette les yeux sur le budget actuel de ce grand établissement (102,061 livres, environ 2,550,000 francs, en 1873), on demeure confondu de l’allocation dont il dut se contenter pendant longtemps. La chambre ne donnait que 1,000 livres par an ; il fallait subvenir au reste des frais avec le revenu de la dotation originelle et du legs Edwards, ainsi qu’avec un mince secours de la couronne (248 livres). L’ensemble des dépenses ne montait pas à 03,000 francs. Aussi les employés étaient-ils très-mal payés, et par suite on ne pouvait pas en exiger beaucoup de travail ; chacun d’eux ne devait que peu d’heures de service, et cela de deux jours l’un. Avec un personnel aussi insuffisant, il fallait tenir le public à distance ; à toutes les réclamations, le comité répondait que, si l’on ouvrait les portes à tout venant, les vitrines seraient pillées. Les collections restaient d’ailleurs stationnaires ; tout au plus les fonds alloués suffisaient-ils à les entretenir. Pendant une vingtaine d’années, il n’y en eut point où la somme consacrée aux achats, pour tous les départemens réunis, se soit élevée à 100 livres.

Par bonheur, l’Angleterre avait la liberté de la presse, et, dans les pays où la voix de l’opinion peut se faire entendre, le remède est toujours près du mal. On s’était plaint de la parcimonie avec laquelle les ressources étaient mesurées au musée, et des précautions mesquines qui en rendaient l’accès si difficile. Si le service des billets fut amélioré dès la fin du siècle, cette exigence ne disparut tout à fait et le musée ne devint vraiment public qu’en 1808 ; mais, bien avant ce temps, le parlement était entré dans une voie nouvelle, il avait commencé à comprendre quel honneur et quel profit l’Angleterre pouvait tirer de son musée, et la main jusqu’alors si fermée avait commencé à s’ouvrir quand s’offrait une occasion favorable. Ce fut la collection d’antiquités qui profita la première de ces dispositions nouvelles.

Le vent soufflait alors à l’archéologie. Ce qui n’avait été longtemps qu’un goût d’amateur opulent, qu’une élégante distraction de curieux, tendait à devenir une science. Les observations auparavant éparses et sans lien se rapprochaient et se rejoignaient.