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situation brillante de son propriétaire et à sa vaste correspondance ; il avait la plus haute clientèle de Londres, il était premier médecin du roi, qui l’avait anobli, et en 1727 il succéda au grand Newton dans la présidence de la Société royale : notre Académie des Sciences l’avait nommé un de ses associés étrangers. En 1702, le cabinet de Sloane, quand il s’enrichit du legs de Courten, était installé à Bloomsbury, tout près de l’endroit où s’élève aujourd’hui le Musée-Britannique ; depuis lors, d’année en année, des échanges, des legs, des achats importans, n’avaient pas cessé d’accroître la collection. Celle-ci en 1741 se trouvait à l’étroit dans la maison de Great-Russell-street. Sloane la transféra dans le château qu’il possédait à Chelsea. Ce qui est aujourd’hui un bruyant quartier de Londres était alors un village silencieux et retiré. Les curieux ne reculaient pourtant pas devant le voyage. Nous avons le récit d’une visite que le prince de Galles en 1748 fit au musée Sloane. « C’est un grand plaisir pour moi, dit-il en prenant congé, de voir en Angleterre une si magnifique collection. Elle honore la nation. Si elle était ouverte au public, il en résulterait des avantages qui s’étendraient jusqu’à la postérité la plus reculée ! »

La pensée qu’exprimait là l’héritier de la couronne, Sloane la nourrissait depuis longtemps, et les dernières années de sa longue vie furent employées à en assurer la réalisation. Par son testament, daté de juillet 1749, il prenait des mesures pour « qu’en vue de ces nobles fins, la gloire de Dieu et le bien de l’homme, sa collection, dans toutes ses branches, pût, sauf cas de force majeure, être conservée tout entière et d’ensemble, dans son château de Chelsea. » Il nommait cinquante trustees et un certain nombre de visiteurs pris parmi les plus hauts personnages de l’état et chargés de surveiller les trustees » En échange de la jouissance perpétuelle qu’il assurait à ses concitoyens, il n’imposait qu’une condition : le parlement devrait payer aux enfans de ses deux filles la somme de 20,000 livres, somme qui n’était que le quart de la valeur des collections et de l’hôtel qui les renfermait. Après avoir ainsi tout réglé, le vieillard s’éteignit en 1753, à quatre-vingt-douze ans. Si ses forces physiques avaient baissé, son intelligence avait gardé toute sa vivacité. Dans les derniers temps, il se faisait encore promener, à l’aide d’une chaise roulante, au milieu de tous ces objets dont chacun lui rappelait un souvenir de jeunesse et de voyage, ou d’étude et d’amitié.

L’opinion, déjà mieux préparée, comprit qu’il importait de saisir l’occasion. C’était le moment où la duchesse de Portland offrait aussi de céder une partie du cabinet des Harley. On vota une résolution intitulée Acte pour l’achat du muséum de sir Hans Sloane