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Dans ces grands horizons pleins de rayonnemens,

que le regard de l’historien interroge et sonde pour y retrouver les traits et la physionomie des grands peuples d’autrefois, on voyait soudain se dresser, par-delà les sept collines couvertes de leurs énormes et pompeux édifices, de leurs thermes et de leurs amphithéâtres, l’acropole d’Athènes vue de la plaine au moment où le soleil couchant en caresse amoureusement les marbres et teint d’un rose tendre la façade des Propylées, le fronton occidental du Parthénon et la tribune des Caryatides.


I

Il importe de montrer comment il se fait que le Musée-Britannique réunisse encore aujourd’hui des collections qui partout ailleurs se sont formées et développées séparément ; il importe aussi d’expliquer par suite de quelles circonstances le musée, traité d’abord avec indifférence par la couronne, le parlement et la nation, a fini par s’imposer à leur attention et à leur intérêt. Ce qu’est aujourd’hui ce grand établissement, dont aucun Anglais ne parle sans un légitime orgueil, on ne saurait le comprendre, si l’on n’en esquisse rapidement l’histoire. Pour bien rendre compte de ces apparentes singularités, l’historien ne doit même pas s’arrêter à ce que les Anglais appellent l’acte d’incorporation, c’est-à-dire à la prise de possession par l’état et à la charte de fondation ; il lui faut remonter, comme on aime à le faire aujourd’hui pour les hommes célèbres dont on écrit la biographie, jusqu’au-delà du jour de naissance officiel, jusque dans la période de gestation[1].

Les écrivains anglais sont les premiers à le remarquer : le Musée-Britannique ne doit pour ainsi dire rien aux princes qui se sont succédé, dans ces derniers siècles, sur le trône de la Grande-Bretagne. Il en est tout autrement en France ; dès la fin du XIVe siècle, Charles V forme cette librairie du Louvre qui est devenue avec le temps la Bibliothèque royale ; plus tard, Valois et Bourbons achètent

  1. C’est au livre de M. Edward Edwards, Lives of the founders of the Brirish Museum, que sont empruntés la plupart des détails qui suivent. L’ouvrage est écrit avec quelque affectation ; il n’est pas très bien composé, et contient bien des faits et des discussions qui ne se rattachent que de loin au sujet ; mais ce n’en est pas moins un précieux répertoire de renseignemens presque toujours puisés à de bonnes sources et dont beaucoup ne se trouvent nulle part ailleurs. Tous les ouvriers de la première et de la dernière heure qui ont apporté leur pierre à l’édifice, l’auteur en parle avec un affectueux respect auquel le lecteur s’associe volontiers. Le patriotisme est d’ailleurs ici exempt de préjugés ; M. Edwards sait bien ce qui a été fait sur le continent dans l’intérêt des sciences et des arts, il l’indique avec discernement et convenance.