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de la campagne anglaise. Ce n’est pourtant pas, comme le musée de South-Kensington, un nouveau-né qui a grandi trop vite, un parvenu qui s’est mis dans ses meubles en jetant l’argent par les fenêtres, en achetant sans compter tout ce qu’il trouvait sur le marché.

Par l’esprit dont étaient animés les créateurs des collections d’où est sorti le Musée-Britannique, celui-ci relève d’une double tradition. C’est d’une part ce grand mouvement de recherches sur l’histoire et les antiquités nationales qui. Commence en Angleterre vers la fin du XVIe siècle, et qui ne fut pas étranger aux révolutions politiques du XVIIe ; c’est d’autre part cet élan de curiosité scientifique dont Bacon a donné le signal, et qui bientôt s’est poursuivi si brillamment avec les Locke et les Newton, avec les premiers membres de la Société royale, mais l’œuvre commencée avec tant d’ardeur par quelques hommes éminens fut ensuite entravée par bien des défaillances et des langueurs. Le germe fécond qu’ils avaient confié au sol est resté longtemps comme endormi et presque stérile. Le musée a été fondé une seconde fois, vers le commencement de notre siècle, par l’importance qu’y ont prise en quelques années les monumens des civilisations antiques. Alors, grâce aux sacrifices généreusement consentis par les représentans de la nation, ce grand dépôt s’est enrichi et augmenté avec une rapidité qui s’explique par l’opulence du peuple anglais et par le point d’honneur qu’il s’est fait de ne se laisser dépasser par personne dans cette voie ; alors a été bâti l’édifice actuel. Dans ce sens, le Musée-Britannique, comme les musées de Berlin et de Munich, date du XIXe siècle ; il est le fils de cette seconde renaissance dont la flamme a jailli vers la fin du siècle dernier sur plusieurs points de l’Europe à la fois, et que caractérisent les progrès de la critique et la prédominance de la méthode historique. Par les chefs-d’œuvre de l’art attique jusqu’alors inconnus qu’il a offerts dès 1816 aux yeux soudainement éblouis des archéologues et des artistes, il marque une époque qui a son importance dans l’histoire de l’esprit humain : c’est le moment où le monde moderne s’aperçoit que jusqu’alors l’Italie lui avait masqué et caché la Grèce. Derrière les lettres et les arts de Borne, littérature d’imitation, arts de décadence, on a tout d’un coup vu reparaître le pur génie de la Grèce, cette mère de l’épopée, de l’ode et du drame, de l’éloquence politique, de l’histoire et de la philosophie, de la Grèce, qui dans le domaine de la plastique a découvert ou du moins combiné et fixé dans leurs plus heureuses proportions les plus belles formes architecturales, et donné de la figure humaine l’interprétation la plus fidèle et en même temps la plus noble qui en ait jamais été présentée. C’était comme si, dans ce lointain du passé.