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redescend et s’écoule par mille chemins. Malgré le voisinage d’Oxford-street, les environs du musée, aujourd’hui même, font encore songer au temps où, dans la seconde moitié du dernier siècle, Montagu-house, dont les bâtimens actuels occupent la place, et qui fut le premier abri des collections naissantes, était de ce côté l’une des dernières maisons de la ville et en marquait dans ces parages comme la frontière septentrionale ; au-delà commençaient des jardins et des prés qui allaient jusqu’à la colline et au bourg d’High-gate. Prés et jardins ont disparu depuis bien des années ; bien loin au-delà de cette ancienne limite, dans la direction du nord, de nouveaux quartiers se sont bâtis et peuplés, avec leurs mornes files de basses et sombres maisons, toutes semblables les unes aux autres ; pourtant toute cette région a gardé plus de squares qu’aucun autre district urbain : on y voit plus d’arbres et de gazons, ne fût-ce qu’à travers des grilles, et de beaux platanes, derniers restes d’un petit parc dont quelques vieillards se rappellent les ombrages, égaient de leur aimable et tendre feuillage les abords du musée. De tous ces omnibus multicolores qui partout ailleurs se croisent en tout sens et se disputent les cliens, pas un ne passe par ces rues tranquilles et presque désertes ; pas de gare souterraine du chemin de fer métropolitain qui vomisse à la surface du sol des bandes nombreuses de visiteurs. Les curieux viennent un à un ; s’il en est que des voitures déposent à la porte, celles-ci se hâtent de rentrer dans le tumulte des quartiers populeux et commerçans ; le silence se refait bien vite. Au milieu même de cette ville affairée, le plus grand marché du monde, l’ardent foyer d’une vie politique intense et passionnée, tout semble inviter ici au recueillement, à la méditation du passe et à la recherche des lois éternelles.

On n’est donc point conduit au seuil du Musée-Britannique par le mouvement même de la foule, on n’y arrive point, sans s’en douter, par de monumentales et solennelles avenues, comme aux Offices ou au palais Pitti, comme au Capitole ou au Vatican. Pour le voir, il faut le chercher. C’est un soin dont on est d’ailleurs amplement payé. Tout esprit cultivé, tout homme qui a l’amour de la science et le goût des arts n’en franchira point la porte sans une sorte d’émotion religieuse ; quand il en quittera les galeries pour n’y point revenir de sitôt, il emportera un regret, celui de partir avant d’avoir joui de ces trésors comme il l’aurait voulu, une espérance, celle de renouveler ce pèlerinage. C’est qu’il n’est point de curiosité qui ne trouve ici à se satisfaire, c’est qu’aucun dépôt ne renferme, réunies sous un même toit, des richesses aussi variées. A lui seul, le Musée-Britannique répond à notre Muséum du Jardin des Plantes, à notre Bibliothèque nationale, à notre Louvre ; il n’y manque que la