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plus prudemment ou plus habilement. Au point de vue constitutionnel, il n’y a plus rien à faire. La loi électorale complète cet ensemble qui embrasse les institutions de la France. C’est l’acheminement inévitable vers des élections qui ne peuvent plus être éloignées. Au point de vue politique, ou, si l’on veut, ministériel, il n’est point douteux que le vote de la loi électorale et les incidens parlementaires qui ont précédé ce vote ont un résultat qui n’avait pas été prévu. Le se trouve visiblement raffermi et fortifié. D’abord il a reconquis un peu de cet ascendant moral que donne toujours une victoire vivement disputée. En outre les dernières péripéties ont montré que ce qu’on l’alliance du 25 février ne suffisait pas pour tenir le gouvernement en échec, et même M. le garde des sceaux en a dit assez pour faire qu’il croyait peu à cette alliance, au moins comme combinaison durable. Enfin le ministère est resté uni et compacte dans cette épreuve décisive. C’est M. Dufaure qui a porté le fardeau d’une lutte où M. le vice-président du conseil n’aurait pu parler autrement que son collègue. Voilà le fait. Renverser le ministère devient certainement une entreprise plus difficile aujourd’hui qu’hier. Que le cabinet puisse encore à essuyer des attaques et à traverser quelques crises dans l’assemblée, ce n’est point impossible. S’il le veut, il peut surmonter difficultés par une politique de libérale conciliation, il le peut plus aisément qu’il a obtenu ce qu’il demandait, qu’il n’a plus qu’à s’appuyer sur un ensemble d’institutions régulières, sur une constitutionnelle dont il est le premier gardien.

Tout ce qu’il y a d’important dans le monde n’est point sûrement à Versailles pour le moment, et ce qu’il y aurait de mieux à faire, ce d’en finir au plus vite avec toutes ces discussions parfois un peu énervantes pour rendre la France à ses intérêts permanens, à son rôle dans le mouvement universel. Ce n’est pas M. le duc Decazes qui se plaindrait qu’on lui donnât une certaine stabilité d’institutions, de gouvernement, et il trouverait peut-être même le moment présent bien choisi. Le fait est que l’Europe diplomatique semble passer aujourd’hui par une de ces crises intimes qui ne laissent pas de tenir l’opinion et inquiète. Tantôt l’empereur d’Allemagne, en ouvrant le parlement de Berlin, prodigue avec une confiance presque communicative les déclarations les plus pacifiques ; tantôt arrive de Saint-Pétersbourg une sorte de communication assez énigmatique dont on est chercher le secret, qui peut être une simple satisfaction pour l’opinion russe comme aussi elle peut laisser entrevoir des événemens que la reste maîtresse de retenir ou de déchaîner. À son tour, M. Disraeli, dans le dernier banquet du lord-maire, ne se défend pas d’une certaine inquiétude, recueillant volontiers les déclarations pacifiques de Berlin, ayant en même temps l’air de se tourner vers Saint-Pétersbourg, et