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J’ai souvent interrogé M. de Rémusat sur les actes de son ministère. Il n’en regrettait aucun, à l’exception peut-être du discours qu’il prononça le 12 mai, pour annoncer à la chambre le retour en France des cendres de Napoléon. Mais personne alors ne croyait que la légende impériale eût tant de racines dans les classes populaires, et l’accueil que Strasbourg avait fait au prince Louis entretenait l’illusion. On ne soupçonnait pas que ce même prince pût un jour s’asseoir sur le trône, au risque d’amener, pour la troisième fois dans ce siècle, les étrangers à Paris, M. de Rémusat et ses collègues ne voyaient donc en Napoléon que le grand général vaincu par la coalition et dont la gloire appartenait à la France. D’autres furent plus prévoyans, et l’événement leur a donné raison.

En réunissant la gauche modérée au centre gauche et à la partie libérale du centre droit, le ministère dit du 1er ’mars essayait de réaliser le programme de la coalition, et il est probable qu’il eût réussi, si la question égyptienne n’était pas venue troubler toutes les combinaisons. On sait quelle fut dans cette grande crise la conduite du ministère. Ni M. de Rémusat, ni aucun de ses collègues n’avaient été d’abord aussi belliqueux que la cour ; mais ils ne voulaient pas que le gouvernement s’avançât pour reculer ensuite, et quand arriva le moment d’ouvrir la session, le conseil chargea M. de Rémusat de préparer un discours de la couronne qui fût à la fois ferme et modéré. Ce discours, soumis au roi, ne fut point agréé, et M. Guizot remplaça M. Thiers. À partir de ce moment, M. de Rémusat rentra dans l’opposition, et il eut, comme tous ses collègues, bien des amertumes à subir. Il s’en consolait en entendant le duc de Broglie répéter à tous ceux qui l’entouraient a qu’en ce qui touchait à la question extérieure le ministère de M. Thiers n’avait pas fait une faute et qu’il se considérait comme solidaire de tous ses actes. » Pour la seconde fois d’ailleurs il eut l’honneur, dans la discussion de l’adresse, de défendre la politique du 1er mars contre les attaques de M. de Lamartine, et l’on remarqua beaucoup cette phrase, par laquelle il terminait son discours : «ce n’est pas par l’humiliation de la politique étrangère que s’est établie l’autorité de Guillaume III, et croyez-moi, quand vous aurez rapetissé la monarchie, vous ne l’aurez pas sauvée. » Cette allusion à la politique de Guillaume III dans un tel moment parut presque factieuse.

M. de Rémusat prit encore la parole pour soutenir la loi des fortifications de Paris, décrétée par le ministère du 1er mars, et l’année suivante pour défendre la loi des incompatibilités parlementaires, proposée par M. Ganneron. Deux ans après, il se chargeait lui-même d’en renouveler la proposition au nom de l’indépendance de la chambre, et il la reproduisit chaque année, sans parvenir à la faire prendre en considération. À ce moment.