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centaines de barils de poudre ou de dynamite, contenant chacun 25 livres ou environ 12 kilogrammes; on les réunit l’un à l’autre par un fil métallique, puis on mure solidement l’entrée du tunnel, et l’on met le feu du dehors au moyen de l’étincelle électrique. Un ébranlement énorme se produit, comme une commotion volcanique, un véritable tremblement de terre; toute la masse de conglomérat se soulève, et un espace de 50,000 mètres cubes est fissuré, désagrégé, prêt à être attaqué par le jet hydraulique.

Cependant les hommes s’approchent, manœuvrant l’eau comprimée au moyen d’ajutages perfectionnés en fer et en acier, dits monitors, qui permettent de diriger le jet à droite ou à gauche, en haut ou en bas, sans la moindre difficulté. Naguère c’était par une manche imperméable en toile qu’arrivait l’eau; aujourd’hui c’est par des tuyaux de fer portés sur des chevalets ; une pression de 2 atmosphères ou 20 mètres en hauteur et un volume quotidien de 50 pouces d’eau[1], mesure à l’usage des mines, étaient jugés suffisans; aujourd’hui on emploie au moins 1,000 ou 2,000 pouces, et la pression est de 8 à 10 atmosphères. Le mot de monitor est bien appliqué, c’est un vrai canon que le tube que l’on manœuvre. La lame liquide en sort raide et transparente, ferme comme une barre de cristal, point contractée, point divisée, et frappe les bancs de gravier comme ces béliers de guerre qui jadis battaient les remparts des places fortes. Elle a l’impétuosité du boulet et frappe, frappe sans trêve. La roche ne tarde pas à céder : une espèce d’arche s’ouvre d’abord, dont on abat les piliers; c’est alors comme une vaste caverne, dont le toit porte à faux et s’écroule. Il faut beaucoup d’attention et de coup d’œil dans la conduite de ce travail délicat, et prendre garde d’être atteint par les éboulemens. S’il est permis de comparer les petites choses aux grandes, nous dirons que les arroseurs publics, qui promènent l’eau en pluie sur les chaussées et sur les gazonnemens des squares de Paris, manœuvrent un appareil analogue à celui des mineurs hydrauliques californiens.

Démolis, pulvérisés sous le choc indomptable qui les mine, les bancs de gravier sont entraînés avec l’eau. Le seuil du canal de lavage, qui s’ouvre devant le front d’attaque, est formé de pavés en pierre ou en bois. La pierre est du galet, les dés en bois sont disposés de façon que les fibres soient en travers du courant. Dés et galets retiennent l’or dans leurs interstices. Il y a aussi des godets de mercure interposés sur le parcours des graviers. Presque partout le travail n’a lieu que pendant la saison des pluies, à cause du volume d’eau si abondant dont on a besoin, et parce qu’il ne pleut

  1. 3,800,000 litres.