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pour toute cette période que les deux chants élégiaques de David, très probablement authentiques, sur la mort de Saül et Jonathan, et sur celle d’Abner, tué par Joab, ne trahissent aucune préoccupation religieuse.

David roi continue de guerroyer avec succès, cherche à organiser solidement le pouvoir royal, et risque un premier essai de centralisation en fixant à Jérusalem, dont il a fait sa capitale, la tente et l’arche de Jahveh, c’est-à-dire le sanctuaire national. À cette occasion, David déploya une véritable ferveur, c’est-à-dire qu’à la vue et aux acclamations du peuple il se mit, très court vêtu, à danser de toutes ses forces en avant du char qui transportait le coffre sacré. C’est au point que la reine, fille de Saül, en fut scandalisée et lui en fit des reproches. David trouva ses remontrances fort déplacées. « Et Mical, lisons-nous, n’eut plus d’enfans jusqu’à sa mort. » Des guerres presque constamment heureuses lui permirent de reculer les limites de son royaume. Sa domination s’étendit même jusqu’à l’Euphrate. Ces exploits furent malheureusement ternis par d’épouvantables cruautés, par le rapt odieux de Bathséba, par la mort plus odieuse encore de son mari. Les dernières années de son règne furent troublées par les désordres de ses fils, dont l’un déshonora l’une de ses sœurs, dont l’autre, non content d’avoir levé l’étendard de la révolte, prit possession du harem paternel coram populo. Cependant David, quelque temps forcé de fuir loin de Jérusalem, revint avec ses vieilles troupes, qui eurent aisément raison de l’usurpateur. Puis les discordes intestines recommencèrent avec la rivalité d’Adonija, héritier du trône dans l’ordre régulier de la succession, et de Salomon appuyé par sa mère Bathséba, qui l’emporta. La famine et la peste désolèrent le pays d’Israël. Pour conjurer la famine, David livra aux gens de Gabaon, qui avaient à venger un ancien parjure de Saül, sept descendans de son prédécesseur, et les autorisa à mettre en croix les sept malheureux « devant l’Éternel. » C’était bel et bien consentir à un sacrifice humain. Quant à la peste, elle fut arrêtée par l’érection d’un autel à Jahveh et par des immolations de bœufs. Enfin David mourut, laissant à son fils Salomon, entre autres instructions plus sages, celle de faire mourir son vieux général Joab, à qui il devait tant, et un certain Simhi, fils de Guéra, son insulteur lors de la révolte d’Absalon, mais à qui à son retour il avait promis la vie sauve. Ce dernier trait jette un jour moins qu’édifiant sur ses sentimens secrets, et démontre qu’en vieillissant il était devenu rancuneux et perfide.

Cette vue d’ensemble d’une vie si agitée donne-t-elle quelque vraisemblance à l’opinion d’après laquelle David aurait composé un grand nombre de psaumes que nous connaissons et en quelque sorte créé ce genre de poésie religieuse? Il nous paraît qu’elle tend