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Qu’on ne s’imagine pas toutefois que la même spiritualité règne d’un bout à l’autre de la collection. D’autres chants révèlent des notions religieuses d’un matérialisme complet. Le Jahveh du psaume 18, qui vole dans l’espace monté sur le keroub, c’est-à-dire sur la nuée d’orage, dont, par une singulière métamorphose, les chrétiens ont fait le doux et angélique chérubin, ce dieu aux narines fumantes, dont la bouche jette une braise ardente et qui descend du ciel sur un nuage noir, est-il l’Être universel, infini, du beau psaume 139, ou bien une idole forgée par l’ignorance et la peur? Rien ne montre mieux que des citations de ce genre la nature progressive de cette religion d’Israël qui n’a pas échappé plus que les autres à la loi de l’évolution et ne s’est élevée que par degrés successifs à la hauteur où le christianisme l’a saisie pour en répandre l’idée essentielle sur le monde entier.

Il faut donc, si l’on ne veut pas mal placer ses admirations, faire le départ des beautés et des défauts de cette poésie sacrée. A la lumière de la critique, le psautier regagne en coloris, en naturel, en fraîcheur de vie, ce qu’il a pu perdre en autorité comme série de textes tombés du ciel. Rien sur la terre n’est exempt de la condition fatale de l’imperfection; mais on peut affirmer sans crainte que ce qui a pendant des siècles attiré les hommages et la vénération des hommes a toujours dû ce privilège à quelque mérite évident ou caché. Les psaumes hébreux fournissent une des démonstrations les plus frappantes de cette vérité. Il serait trop triste de penser que l’esprit humain peut se nourrir de l’illusion pure.


IV.

Nous n’avons pas encore abordé directement la question d’authenticité. Il était inutile d’en parler avant d’avoir examiné les psaumes eux-mêmes; mais cette étude serait incomplète, si nous la laissions de côté.

Dans l’opinion vulgaire, il n’y a pas même lieu de la poser. Les psaumes sont l’œuvre du roi David, telle est la tradition courante, remontant très haut, qui a valu à ce prince le nom de roi-prophète. En effet, s’il était réellement l’auteur des psaumes, comme ils peignent à chaque instant des circonstances et des situations qui lui sont de beaucoup postérieures, il faudrait lui attribuer un don de seconde vue tout à fait miraculeux. Cette considération suffirait à beaucoup d’esprits de nos jours pour révoquer en doute l’origine davidique du psautier, mais il est intéressant de savoir comment le problème se présente aux yeux de la science et de quel genre de solution il est susceptible.

Commençons par relever le fait que les collecteurs canoniques