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que 100,000 hectares de terre seraient spécialement affectés en Algérie à doter de concessions les Alsaciens-Lorrains expatriés. En même temps une somme de 400,000 francs était mise à la disposition du gouvernement colonial pour faire face aux dépenses de toute nature occasionnées par l’immigration. Le vice-amiral comte de Gueydon commandait alors à Alger : homme actif, énergique, habitué comme marin au calme et à la prospérité de nos possessions des Antilles, il s’étonnait et s’irritait à la fois de l’état précaire où, après quarante-cinq années d’occupation, se trouve encore notre colonie africaine, du caractère inquiet et remuant des Arabes., de l’infériorité des colons français, à peine égaux en nombre aux colons étrangers eux-mêmes ; il avait pris à cœur de mériter ce titre de gouverneur civil, dont il avait été le premier revêtu, et, rompant net avec certaines pratiques du régime militaire suivi jusqu’alors, voulait attirer de la mère-patrie par l’attrait de la propriété, et plus encore par une protection efficace, toute une population de travailleurs qui seule lui semblait capable de consolider notre conquête et de lui faire porter ses fruits. Une enquête venait d’être ouverte contre les tribus indigènes qui avaient pris part à la terrible insurrection de 1871 ; il se montra sévère, inflexible, et exigea des rebelles ce dont la France et la colonie avaient besoin : des terres et de l’argent, 600,000 hectares et 40 millions. Bien des gens prétendaient que les Arabes ne paieraient pas ; tant bien que mal, faisant de nécessité vertu et déterrant les vieux écus noircis qui leur eussent servi plus tard à acheter contre nous de la poudre et du plomb, ils payèrent. C’est sur le produit de cette contribution de guerre que le 25 octobre 1872 un nouveau crédit extraordinaire de 600,000 francs était ouvert au gouvernement de l’Algérie pour suppléer à l’absence de ressources personnelles des immigrans alsaciens-lorrains, et leur fournir, à raison de 1,500 fr. par famille, le matériel et les vivres indispensables.

En effet, à la nouvelle que des concessions de terres allaient être accordées, sans tenir compte des 5,000 francs exigés comme première mise de fonds par la loi du 15 septembre 1871, plusieurs centaines de familles étaient parties pour l’Algérie. Elles se trouvaient à leur arrivée dans le plus complet dénûment, et rien n’avait été préparé pour les recevoir. Les renvoyer n’était pas possible ; de concert avec le gouvernement, les comités locaux s’occupèrent d’abord de loger ces malheureux et de les nourrir, puis peu à peu, au moyen de prolonges d’artillerie, on les dirigea sur les terres qu’on leur destinait. Là encore tout manquait ; en attendant que l’administration militaire leur eût construit des habitations suffisantes, on les abrita comme on put, les uns sous la tente, les autres dans des gourbis naguère occupés par les Arabes, Des