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le programme républicain existe… » Il ne s’agit que « de revenir à toutes les grandes revendications politiques et sociales de la révolution française… » Et M. Madier de Montjau à son tour a son programme d’intransigeance tout prêt : « réalisation et assurance mutuelle de la liberté et de l’égalité par l’égale participation de tous au pouvoir, par la participation quasi constante de la volonté nationale, effacement du pouvoir exécutif, mandataire respectueux et modeste, écartement de tout ce qui tendrait à tenir en échec la volonté nationale, à la paralyser de près ou de loin par la création de forces antagonistes… »

À la fin, sans parler du ridicule, il y a quelque chose d’irritant dans ces banalités creuses que ne comprennent pas ceux-là mêmes qui les jettent auvent, auxquelles ils croient encore moins, et qui cachent le plus profond mépris du peuple, puisqu’elles le supposent assez hébété pour se laisser séduire. Quant à M. Louis Blanc, lui, il ne comprend qu’un genre de transactions, « celles qui ont pour effet de faciliter ou de hâter la réalisation des principes de justice et de liberté. » C’est ainsi : assurez à M. Louis Blanc la réalisation des « principes de justice et de liberté » comme il les entend, donnez-lui la convention, le comité de salut public, les clubs, le socialisme au Luxembourg et un certain nombre d’autres choses, il se tiendra pour satisfait, il transigera, il daignera vous tolérer, — si toutefois les passions qu’il aura déchaînées le lui permettent. Et voilà comment dans ce monde on travaille à l’affermissement de la république !

Ce ne sont que les radicaux intransigeans qui parlent ainsi, nous le savons bien ; ils ne sont qu’une poignée heureusement. Les républicains sensés, prévoyans, tiennent un autre langage. Ils sont assez éclairés par les malheurs du pays, par les expériences de toute sorte, pour sentir la force de la nécessité, pour se prêter aux transactions inévitables ; ils l’ont fait, ils le feront encore. Après tout, ils sont les premiers intéressés à répudier tous ces programmes de violence, à montrer que la république peut assurer les conditions de sécurité et d’ordre que les autres régimes promettent, à rompre enfin avec ce radicalisme bruyant qui les accuse de trahison ; ils y sont intéressés, parce que, si, pour les conservateurs, pour les libéraux, c’est un acte de raison, de fidélité à la loi, d’accepter sans arrière-pensée le régime actuel, pour les républicains ce régime est la réalisation jusqu’ici la plus régulière d’un idéal préféré. C’est pour eux surtout que le succès de la constitution de 1875, de cette modeste constitution, est une question sérieuse. Les républicains ont montré de la suite, de l’habileté, et, nous n’en doutons pas, de la sincérité, dans la campagne de modération qu’ils ont poursuivie depuis quelque temps. Ce qu’ils ont de mieux à faire, c’est de continuer, de dégager incessamment la république de toutes les compromissions dangereuses, d’éviter les impatiences et les écarts.

On ne peut certes mieux parler que ne l’a fait M. Jules Simon à