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qui l’attire. Les républicains modérés du 25 février se sentent désagréablement harcelés par le radicalisme, qui profite des vacances pour promener son drapeau en désavouant tout ce qui a été fait. Les légitimistes par l’organe de M. de La Rochette querellent le centre droit, qui répond par l’organe de M. O. d’Haussonville ou de M. Callet, et les bonapartistes, difficiles à décourager, cherchent l’issue par laquelle ils pourront revenir. Au milieu de tout cela, la constitution devient ce qu’elle peut, le ministère raconte ses petits démêlés ou ses réconciliations dans le Journal officiel, et c’est ainsi que cette malheureuse politique, qui serait facile, trébuche sur les incidens ou s’obscurcit de toute sorte de contradictions, sans avoir d’autre garantie que cette force des choses, cette sagesse intime du pays qui après tout finira sûrement par avoir le dernier mot.

Allons droit aux deux points essentiels de cette situation confuse : la difficulté qu’éprouve à se dégager, à se préciser, la politique conservatrice telle que l’entend le gouvernement, et les diverses manifestations républicaines qui se sont succédé depuis quelques jours. Une des choses les plus bizarres certainement, une des plus significatives peut-être, est cette apparence ou ce commencement de crise ministérielle dont on nous a réservé la surprise au moment où l’on s’y attendait le moins. Comment tout cela s’est-il passé ? Évidemment il ne faut rien grossir : c’est moins une crise qu’un nuage dissipe dès les premières explications. Lorsque M. le ministre des finances prononçait au château de Stors, devant les maires du canton de l’Isle-Adam, un discours à la fois si conservateur et si libéral, d’une si franche et si spirituelle allure, il ne pouvait avoir l’intention d’élever drapeau contre drapeau, de former un camp de dissidence dans le cabinet dont M. Buffet est le chef : c’est clair comme le jour. Si ce discours de Stors avait paru tout simplement le lendemain dans le Journal officiel, personne n’aurait songé à y voir le signe d’une sérieuse discordance de politique dans le ministère. Ce qui a fait l’incident, c’est que le discours n’a pas paru dans le Journal officiel, — et il n’a pas paru peut-être parce que M. le vice-président du conseil était dans les Vosges, parce qu’il était tout plein du souvenir du discours qu’il avait prononcé lui-même à Dompaire, probablement aussi parce qu’il a les susceptibilités de son rôle de chef de cabinet. Ce qui a compliqué l’incident, c’est qu’aussitôt les commentaires n’ont pas manqué, supposant ou exagérant le conflit, s’évertuant à mettre en relief une contradiction entre les paroles de M. Léon Say et les paroles de M. Buffet. On ne s’y est pas laissé prendre ; la raison des principaux membres du cabinet et le bon sens de M. le président de la république ont suffi pour dissiper le malentendu. La difficulté n’a pas été sérieuse, et tout a fini par la publication au Journal officiel du discours de Stors accompagné d’une lettre où M. Léon Say, en dégageant sa pensée de tous les com-