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où il s’agissait de la reconnaissance de l’indépendance chilienne, l’Espagne ayant demandé quelles étaient les limites du pays qu’elle allait reconnaître, il lui fut répondu que les limites de la république étaient déterminées par l’article premier de la constitution. Au surplus tous les écrivains sont d’accord pour décrire le Chili comme une bande étroite limitée par les Andes et par la mer ; c’est ainsi que le dépeignent ses libérateurs et ses législateurs, et jusqu’à ses patriotes les plus éclairés, comme Bulnès et O’Higgins.

A défaut de semblables témoignages, la nationalité de la Patagonie découlerait encore d’une foule de documens historiques antérieurs à l’année de l’indépendance. Le 21 mai 1684, le roi d’Espagne déclare que les cimes neigeuses de la Cordillère séparent le royaume du Chili des provinces du Rio de la Plata et de Tucuman. — En 1776 est érigée la vice-royauté de la Plata, première séparation administrative des états sud-américains, et qui précède à peine de trente ans la dissolution politique. Entre ces deux époques, les documens abondent qui déterminent les limites de ces différens états, et placent la Patagonie sous la juridiction de la vice-royauté de la Plata. La nouvelle république a-t-elle tardé à exercer son autorité sur ces territoires ? En juin 1810, elle envoie de Buenos-Ayres don Pedro Andrès Garcia reconnaître les frontières et en assurer la défense, et celui-ci, rendant compte de sa mission, est d’avis qu’elles doivent être portées aux Cordillères. En 1823, elle délivre des concessions de pêcheries sur les côtes des Malouines, et en 1829 nomme Louis Vernet gouverneur de ces îles. En 1846, 1848, 1849, elle déclare que sans son autorisation il est interdit d’extraire du guano en Patagonie ; depuis lors elle n’a cessé de faire des concessions de terres et d’extraction de guano sans que le Chili ait jamais opposé aucune prétention territoriale ni protestation diplomatique. Le seul acte qu’il se permit fut l’établissement de la colonie du Punta-Arenas, que la république argentine autorisa dans un intérêt d’humanité, limitant seulement la portée de son autorisation dans le traité de 1856, par lequel les deux états s’engageaient à ne pas modifier le statu quo, à ne jamais user de mesures violentes et à remettre l’arrangement définitif à l’arbitrage d’un gouvernement ami. Lorsqu’en 1866 ce traité fut dénoncé, M. Lastarria, qui représentait alors le Chili, déclarait, au milieu des négociations entamées, que le Chili n’élevait aucune prétention sur ce que l’on est convenu d’appeler la Patagonie orientale, située à l’est des Andes, mais qu’il voulait faire établir ses droits sur la Patagonie occidentale, jusques et y compris l’entrée ouest du détroit.

Cependant en 1872 le Chili en arriva par une pente insensible à mettre en avant que le statu quo de 1856 comprenait la possession