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est sans objet : inutile pour défendre les droits de la république argentine, elle est impossible, vu l’état d’anéantissement du Paraguay. L’annexion de ce pays est interdite par le traité d’alliance ; entre les alliés, aucune question de rivalité ni de limites n’est ouvertement soulevée, et pourtant que d’obstacles à la paix, que de dangers de guerre avec le Brésil ! Or quels prétextes avouables trouver à une guerre à propos de la question du Paraguay ? où mènerait-elle sinon à l’aveu de la part du Brésil de ses convoitises ?


II

Cependant l’heure était venue où la république argentine allait entrer dans une nouvelle série d’incidens à propos des traités définitifs qui lui restaient à signer. Le 1er mars 1873, le général Mitre, revenu de Rio-Janeiro, repartait de Buenos-Ayres pour l’Assomption afin de compléter son œuvre en terminant la guerre par un traité de paix avec le vaincu. Pour qui ne connaîtrait pas l’histoire de ces quatre années de négociations, plus longues « que la guerre elle-même, et qui s’en tiendrait à envisager la situation du vaincu seul vis-à-vis du vainqueur, il semblerait que ce fût là une œuvre facile. L’habileté du général Mitre devait pourtant échouer dans cette mission.

Les questions à régler étaient l’indemnité de guerre et les limites ; la première ne préoccupait personne, vu l’impossibilité absolue où était le Paraguay d’en payer aucune ; quant à celle des limites, elle ne devait trouver aucune résistance auprès du gouvernement de ce pays, si elle n’avait pas pour objet de consacrer un abaissement pire que celui qu’avait produit la guerre, et elle ne devait logiquement intéresser les alliés que si elle comportait un agrandissement de territoire par droit de conquête, en violation du traité d’alliance. Quels territoires allaient embrasser les limites réclamées par la république ? Celui de la partie des Missions située entre le Rio-Uruguay, l’Iguazu et le Paranà au nord-est de la province de Corrientes n’était pas en question ; la république argentine même, au lieu d’une conquête, faisait un abandon, puisque ses droits pouvaient être considérés comme irrécusables non-seulement jusqu’au Paranà, mais jusqu’au Tebicuary, situé à 30 lieues plus au nord. La partie du Chaco, désert boisé situé au nord de la province de Santa-Fé sur la rive droite du Rio-Paraguay, n’était pas contestable jusqu’à la limite du Bermejo, et n’était même pas sérieusement contestée jusqu’au Pilcomayo, qui coule parallèlement à 20 lieues au nord et vient se jeter dans le Paraguay à une lieue au-dessous de l’Assomption. On pouvait considérer la question