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dit à mon sujet : « Je crois devoir vous prévenir que le président (M. de Bismarck) tient exactement au courant M. Benedetti. »

Dans la lettre où mon nom revient pour la seconde et dernière fois, datée du 6 avril, l’avant-veille de la signature du traité (les dates sont précieuses, et il convient de les retenir), le général Govone rend compte d’une visite qu’il m’a faite, la première depuis son arrivée à Berlin, et que lui ai-je dit au sujet de ses négociations ? Je cite textuellement : « Hier, après ma visite à M. de Bismarck, je vis M. Benedetti ; il pensait qu’il était préférable pour nous de ne signer aucun traité, mais seulement d’avoir un projet tout discuté et prêt à signer quand la mobilisation de la Prusse serait achevée… »

Ces deux extraits, monsieur le directeur, autorisent-ils à croire que j’ai été le confident et le conseiller de l’envoyé italien ? Ne confirment-ils pas au contraire de point en point la sincérité de ma correspondance ? Où M. Klaczko a-t-il cherché, où a-t-il vu que j’ai travaillé à l’accord de l’Italie et de la Prusse ? N’aurait-il pas dû le dire avant de produire une si grave affirmation ? Est-ce qu’il songerait à me reprocher de m’être employé à savoir ce qui se passait et d’en avoir exactement instruit mon gouvernement ?

Quant à l’assertion de M. Klaczko, deux fois répétée dans son article, que je n’ai cessé, avant la guerre, de dissuader M. Drouyn de Lhuys de parler à Berlin de compensations éventuelles et d’engagemens préventifs, de crainte de voir la Prusse renoncer à la lutte avec l’Autriche, j’y répondrai par l’extrait suivant d’une lettre que M. Drouyn de Lhuys lui-même m’a adressée le 31 mars pendant la négociation ouverte entre les deux cabinets de Berlin et de Florence :

« J’ai lu avec plaisir, me disait-il, les lettres particulières que vous m’avez adressées dans le courant de ce mois. Je vous en exprime tous mes remercîmens. Si je les ai reçues sans y répondre immédiatement, c’est que je n’avais rien à modifier aux instructions que je vous ai tracées à différentes reprises. Nous sommes toujours dans les mêmes dispositions. Tout en reconnaissant la gravité de la nouvelle crise à laquelle nous assistons, nous ne voyons point, dans le différend, tel qu’il se présente aujourd’hui, de motif suffisant pour nous départir de notre attitude de neutralité. Nous nous en sommes expliqués en toute franchise avec la cour de Prusse. Lorsque nous avons été interrogés par le cabinet de Vienne, nous lui avons déclaré fermement que nous voulions rester neutres, bien qu’il nous eût fait observer que notre neutralité était plus favorable pour la Prusse que pour l’Autriche. Nous attendons donc le conflit armé, s’il doit éclater, dans l’attitude où nous sommes actuellement. Le roi lui-même a bien voulu reconnaître avec vous que les circonstances présentes n’offraient point les bases de l’accord que sa majesté désire. La marche des événemens, la nature et la portée des intérêts qui se trouveront engagés, et l’extension que prendra la guerre