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la roche et le charbon à la poudre ou au pic, le voiturier conduit les chevaux qui transportent la matière extraite sur les chemins de fer souterrains ; les charpentiers fixent les étais. Toute la ruche travailleuse est en mouvement ; peu d’enfans, aucune femme. Dans les mines d’Angleterre, de Belgique, il n’est pas rare d’en rencontrer encore ; mais les mœurs américaines répugnent à cet emploi avilissant du sexe faible et délicat. D’ordinaire l’air est bon, circule librement ou par le moyen de ventilateurs mécaniques ; la température est douce et toujours égale été comme hiver ; les eaux sont peu abondantes, et l’on n’a guère à redouter les inflammations du grisou, si terribles dans d’autres mines.

Extrait au dehors par les puits ou les grands tunnels inclinés, l’anthracite est déversé sur des machines fort ingénieuses, dites concasseurs ou breakers, qui le séparent en morceaux d’égale grosseur. Les blocs les plus volumineux sont d’abord broyés entre deux cylindres massifs en acier, juxtaposés, armés de dents, et tournant l’un vers l’autre à la façon de laminoirs. Une série de tamis en fer inclinés, en forme de tambours cylindriques, à mailles de plus en plus serrées, animés d’un mouvement de rotation autour de leur axe, classent ensuite le combustible en six qualités ou grosseurs distinctes, pendant que des manœuvres enlèvent à la main les schistes et autres pierres qui le souillent. Ces machines, dont on voit sur toutes les mines se dresser la haute charpente recouverte de planches, et aux formes originales, rappellent de loin les élévateurs à grains de Chicago. Elles sont tout à fait distinctes des machines à laver et à classer les charbons employées en France, et où l’eau joue un rôle particulier, par exemple celles dites de Bérard ou d’Evrard, du nom des inventeurs.

L’anthracite, une fois trié et classé, est chargé dans des wagons qui le transportent sur un chemin de fer extérieur dépendant de la mine. Celui-ci rejoint par des embranchemens, au besoin par des plans inclinés savamment établis et qui rachètent des différences de niveau assez considérables, les grandes voies ferrées, les canaux, les rivières. Toutes ces nouvelles voies marchent vers le littoral, et aboutissent à New-York et à Philadelphie, les deux véritables entrepôts de l’anthracite, les deux grands ports où se consomme et se vend principalement ce charbon renommé.

Si Philadelphie est le plus grand marché de l’anthracite en Pensylvanie, Pittsburg est celui de la houille bitumineuse, et, plus favorisé encore que Philadelphie, il est situé sur les mines mêmes. Quand on suit le chemin de fer Pensylvania-Central, qui traverse la chaîne des Alleghany et restera l’une des œuvres les plus hardies de l’art de l’ingénieur en Amérique, on rencontre les mines de houille. Elles apparaissent dès qu’on a franchi la ligne de faîte,