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produisit sous Philippe le Bel et sous Louis XII. Aux prétentions du saint-siège, la France opposait les légendes qui la plaçaient sous la protection divine. Elle invoquait le mystère du sacre, où le Saint-Esprit descendait sur la tête des rois, comme il était descendu dans le cénacle sur la tête des apôtres, l’huile de la sainte-ampoule, apportée du ciel par une colombe, les saints que chaque dynastie avait donnés à la monarchie céleste, et qui veillaient sur le royaume où leur famille avait régné successivement, la bienheureuse Alboflède, la sœur de Clovis, sainte Clotilde, sa femme, sainte Bathilde, sainte Nantéchilde, sainte Radegonde, saint Charlemagne, saint Louis. Ces mystiques traditions prêtaient au droit national une force nouvelle ; le parlement s’en autorisait pour déclarer que le pape ne pouvait rien en France sans la permission du roi, que les bulles n’avaient un caractère officiel et légal que d’autant qu’elles étaient enregistrées, et quand il refusait de les enregistrer, il les traitait comme l’inquisition traitait les hérétiques, et les faisait brûler. Pendant le grand schisme d’Occident, les rigueurs redoublèrent pour mettre la France à l’abri des entreprises ultramontaines, et, par lettres patentes du 5 juin 1408, Charles VI ordonna de conduire à Paris, pour y être échaudés publiquement, les individus qui seraient trouvés porteurs d’actes pontificaux contraires à l’autorité de la couronne et aux lois du pays.

Lorsqu’elle retranchait de la communion des fidèles des princes souillés par le crime, la débauche ou la tyrannie, la papauté était dans son droit, et, comme le dit Voltaire, elle eût servi la cause des peuples, si elle avait réservé l’anathème pour les grands attentats ; mais elle en fit une arme politique plutôt que religieuse, et l’arme se brisa entre ses mains parce qu’elle portait à faux.


II

Aux causes déjà si nombreuses de conflits que faisait naître entre la couronne et la tiare le droit de déposition et d’excommunication s’ajoutaient des questions purement fiscales : les papes peuvent-ils, sans le consentement des rois de France, lever dans le royaume des tributs sur les gens d’église et les simples clercs eux-mêmes, soit pour leur défense comme princes temporels, soit pour les besoins de l’église universelle, soit enfin pour les privilèges canoniques, les indulgences et les pardons qu’ils accordent aux fidèles ? Peuvent-ils participer aux revenus des bénéfices ecclésiastiques situés dans les terres du domaine royal ? Les rois, comme fondateurs, collateurs, protecteurs de l’église et chefs d’état, ont-ils sur ces