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réunies limitèrent rapidement le champ de l’inondation. Les villes situées sur le fleuve ou près de ses rives en aval d’Agen, Tonneins, Marmande, La Réole, Langon, furent visitées par la crue, mais n’éprouvèrent que des désordres de peu d’importance, et en furent quittes pour des dégâts purement matériels. Les dernières fluctuations de cette immense lave que nous avons vue commencer au pied des Pyrénées arrivèrent jusqu’à Bègles, à quelques kilomètres en amont de Bordeaux. Là le courant, ayant perdu toute sa force, ne marqua son passage que par le dépôt limoneux laissé dans les champs avoisinant le fleuve. Un propriétaire de cette contrée me faisait ce calcul : « Mon blé a été avarié, il est vrai, et je ne pourrai le vendre que 12 francs au lieu de 20 pour faire de l’amidon ; mais les prairies engraissées par le limon ont donné une seconde coupe d’un rendement extraordinaire qui compensera la perte que j’ai faite en blé, et nous espérons tous une récolte supérieure en qualité comme en quantité pour l’an prochain, sans qu’il soit besoin de fumer nos terres, car l’engrais qu’elles ont reçu des eaux peut être comparé à celui que le Nil apporte chaque année dans la vallée de l’Égypte. » L’inondation aurait eu des conséquences autrement redoutables pour le département de la Gironde, si elle se fût produite à l’époque d’une grande marée, car alors les eaux venues d’amont, refoulées par le flux, se seraient déversées sur les deux rives avec la violence torrentielle qu’elles avaient dans la plaine d’Agen. Cette coïncidence ne se présenta pas, et les habitans de Bordeaux ne purent juger de la hauteur de la crue que par les épaves de toute nature charriées par le fleuve.

Je n’ai pas parlé jusqu’ici des débordemens du Gers et de deux autres affluens de gauche de la Garonne, la Save et la Baïse ; mais nous devons mentionner en passant ces trois rivières tant à cause des énormes masses d’eau qu’elles jetèrent dans le fleuve qu’à raison des ravages exercés dans les vallées qu’elles arrosent. À Auch, tous les bas quartiers de la ville furent envahis par le Gers transformé en lac ou plutôt en fleuve aux allures torrentielles. Ces dévastations s’étendirent dans toute la plaine ; elles renouvelèrent dans les campagnes les désastres que nous avons vus se produire dans la vallée de l’Ariége, sauf les épouvantables drames de la Bastide-Besplas, d’Auterive, de Pinsaguel et du village de Verdun. Il en fut de même de la Save et de la Baïse, principalement de la Save. Cependant les désastres ne s’étendirent que sur les récoltes, les constructions et le bétail, La valeur des habitations détruites est estimée à 1 million, celle du bétail et des chevaux perdus s’élève au double.

Les débordemens de l’Adour, qui viennent clore la liste des inondations du sud-ouest, furent encore plus considérables que ceux du Gers à raison de l’étendue de son parcours, qui est de 270 kilo-