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télégraphes à aiguilles, télégraphes à cadran, télégraphes écrivans, imprimeurs, autographiques, télégraphes sous-marins, etc.

Cette fécondité subite d’une conception restée si longtemps stérile prouve une fois de plus combien une idée jetée en l’air est peu de chose dans l’histoire des inventions, et combien sont plus sérieux les titres de ceux qui ont su franchir le dernier pas, ce pas qui conduit du royaume des chimères dans le pays de la réalité. En lisant avec attention les détails dans lesquels entre M. Du Moncel avec une louable impartialité lorsqu’il s’agit d’établir les droits respectifs des divers inventeurs, on est frappé de la disproportion qui existe entre la popularité de certains noms et le mérite de ceux qui les portent. Ce n’est malheureusement pas d’aujourd’hui que l’on voit la justice distributive des peuples égarée par l’aplomb des prétentions, et il y a toujours eu plus d’Améric Vespuce que de Christophe Colomb. Audaces fortuna… Le nom de Morse a éclipsé peu à peu ceux des inventeurs dont l’habile Américain a utilisé les efforts, et cette prise de possession a été consacrée par les gouvernemens qui lui ont accordé de colossales indemnités.

M. Du Moncel, se bornant à enregistrer les faits acquis, dédaigne de s’occuper de l’avenir de la télégraphie. Cet avenir appartient-il aux télégraphes imprimeurs ou bien aux systèmes autographiques, dont la simplicité séduit à première vue l’esprit ? Déjà on parle de transmettre non plus l’écriture, mais la parole elle-même ; il faut pourtant avouer que sur ce terrain on est encore loin du but.

Après les télégraphes, ce sont les machines d’induction qui représentent la branche la plus importante des applications de l’électricité, celle qui a fait le plus de progrès dans ces derniers temps. De ces machines, la plus curieuse et la plus riche d’avenir paraît jusqu’ici la machine de M. Gramme, dont l’organe essentiel est une bobine enroulée sur un anneau de fer doux qui tourné entre les pôles d’un aimant. Ce qui distingue ce système des anciens, c’est qu’il procure des courants d’induction continus au lieu d’une succession de courans de sens alternativement contraires qu’on est obligé de redresser par un artifice spécial lorsqu’on veut par exemple produire des effets chimiques.

La machine de Gramme, qui a reçu les formes les plus diverses selon les usages auxquels on la destine, fournit le mode d’éclairage le plus économique qui puisse s’imaginer pour les grandes usines, pour les ateliers spacieux, où la lumière électrique peut s’employer avec profit. Le grand obstacle que rencontrait l’extension de ce mode d’éclairage si puissant, c’était non pas le prix de revient, — qui est inférieur à celui de tout autre luminaire, — mais la difficulté de fractionner la quantité de lumière fournie par les appareils. L’éclat excessif des pointes de charbon, concentré en un seul point, aveuglait d’un côté, et laissait dans une obscurité profonde les espaces situés du côté de l’ombre ; on préférait donc s’en tenir aux lumières plus faibles, mais faciles à multiplier.