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betta et les républicains politiques. On lui a laissé croire que le vote de la constitution, du 25 février était tout simplement un moyen ingénieux pour « s’emparer du pouvoir, » que le nouveau ministère allait étonner le monde par son républicanisme ; on lui a tout promis, et il n’a rien reçu. Avoir voté la loi sur les pouvoirs publics, la loi sur le sénat, le droit de dissolution pour le président, et ne recevoir en échange que la reconnaissance de la république par l’assemblée, c’est là ce qui s’appelle « une marchandise achetée au-dessus de sa valeur. » M. Naquet confesse ses fautes devant les démocrates d’Arles et de Cavaillon : il a fait des concessions, il s’est laissé aller à la modération ; mais il se relève de la belle manière ! Qu’on ne lui parle pas des divisions qu’il peut provoquer dans la gauche, dont la masse a fait la majorité du 25 février ; d’abord la gauche ne peut manquer de le suivre, et si elle ne le suivait pas, c’est elle qui provoquerait les divisions. M. Naquet ne s’arrête pas pour si peu dans son impatience de secouer à les énergies affaissées ; » il va remettre la république dans son vrai chemin, régénérer la France, créer « un de ces grands courans d’opinion auxquels rien ne résiste, » préparer les élections, et avec tout cela où ira-t-il ? Il ne s’en doute probablement pas, il ne se rend pas parfaitement compte de l’effet que produirait la république apparaissant dans sa personne ; il pourrait le soupçonner rien qu’à voir l’accueil empressé qu’il reçoit parmi les légitimistes et les bonapartistes.

Assurément, que M. Naquet reste dans la gauche constitutionnelle ou qu’il n’y soit plus, ce n’est point une affaire considérable, et, pour tout dire, il ne laisserait pas un grand vide en s’en allant. Une question un peu plus sérieuse, c’est de savoir jusqu’où vont réellement ces divisions, quelle influence elles peuvent avoir sur les combinaisons de partis dans l’assemblée et dans les élections. Il n’est point douteux que, si une partie de la gauche, craignant de perdre sa popularité, se laissait entraîner, la situation changerait singulièrement ; rien ne pourrait mieux servir la reconstitution d’une majorité qui ne serait plus celle du 25 février, et la république ne s’en trouverait peut-être pas mieux. Ce ne serait pas la première fois que les radicaux, poussés par un fanatisme de parti, gagneraient des victoires de ce genre. Ils sont accoutumés à vaincre en préparant des réactions où les institutions libérales disparaissent quelquefois avec la république, et ceux qui ont un peu de prévoyance n’ont qu’à se demander quelle serait aujourd’hui la réaction qui serait infailliblement au bout de nouvelles aventures révolutionnaires.

Fort heureusement le radicalisme n’en est pas à faire tout ce qu’il voudrait, à disposer de la France, et ces scissions de partis, ces querelles tapageuses, ne sont qu’une expression très artificielle de la réa-