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même de ferveur qu’à South-Place chapel. Ainsi presque toutes avaient leur rituel en main, et personne ne restait assis pendant la récitation des hymnes. Cette différence tient sans doute, ici encore, à ce que la congrégation de Saint-Paul’s road est sortie tout entière d’une église régulière et traditionnelle, devenue trop étroite pour leurs vues religieuses, tandis que la congrégation de South-Place chapel m’a paru se composer surtout de dilettanti religieux, pratiquant — par raison plus encore que par conviction — le culte le moins compliqué et le moins exigeant qu’ils aient pu trouver.

Un des" sermons que j’ai entendus dans la chapelle de Camden-Town ferait dresser les cheveux sur la tête à toute l’école de Manchester. Sous prétexte d’enseigner l’art de faire son testament, how to make a will, M. Moncure Conway fit un véritable procès à l’épargne, en ce sens qu’il recommandait à ses auditeurs de dépenser de leur vivant, — bien entendu d’une façon raisonnable et utile, — tout ce qu’ils seraient en état d’acquérir : « Fort souvent les richesses accumulées par un père deviennent pour ses fils un fléau plutôt qu’une bénédiction (more a curse than a bliss), et si l’on veut consacrer son argent à des œuvres fécondes, il faut songer qu’on est soi-même le meilleur exécuteur de ses volontés. » — Je dois avouer que ce petit cours de socialisme pratique parut fort goûté des assistans ; il répondait du reste à une tendance nationale des Anglais, qui, surtout dans les classes moyennes, dépensent généralement la totalité de leurs revenus, et qui se contentent de fournir à leurs enfans les moyens de se créer eux-mêmes une situation indépendante. — L’autre sermon me parut toutefois plus intéressant en ce qu’il caractérisait mieux les vues religieuses de l’orateur. C’était à l’occasion du premier mai, qui est encore célébré dans les campagnes anglaises par certaines pratiques traditionnelles. M. Conway exposa l’antique mythe solaire, dont ces traditions semblent être le dernier écho, et il fit ressortir à ce sujet que toute religion est intimement liée à une certaine cosmogonie. Il montra ensuite que chaque modification des idées courantes sur le système de l’univers a provoqué une révolution parallèle dans les théories religieuses de l’humanité. « Ainsi aux conceptions astronomiques formées dans la vallée du Nil correspondaient les mythes sur la renaissance périodique du soleil, qui jouent un si grand rôle dans le paganisme. Ainsi encore le développement du christianisme a suivi le remplacement de la cosmogonie païenne par les lois de Ptolémée et par la théorie des cycles ; mais depuis Copernic et Galilée on a reconnu que la terre n’est pas le centre du monde et qu’à côté du mouvement circulaire la ramenant sans cesse vers son point de départ, une seconde impulsion l’entraîne continuellement, avec son orbite, vers un point plus avancé de l’espace. De là la théorie