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avec le titre et les fonctions de ministre de l’église anglicane. Il avait fallu quatre ans pour en arriver là. Les Essais parurent pour la première fois en février 1860 ; c’est en 1864 que le conseil privé rendit l’arrêt définitif.

Rowland Williams, qui avait tenu courageusement tête à toutes les péripéties de ce long procès, mais non sans se sentir souvent très inquiet, voyait enfin le succès couronner ses peines. « Si par la suite, écrivait-il à un ami, on peut dire dans l’église plus librement ce que l’on sait, je n’aurai pas perdu mes larmes. » Ce qui le révoltait surtout, c’était ce péché mignon des gens d’église qui consiste à taire la vérité que l’on connaît, de peur de scandaliser les faibles et d’être l’objet de leurs colères. « De nature, disait-il, je ne suis pas un libéral ; je suis un ecclésiastique, mais je ne puis penser que le mensonge soit un de mes devoirs. » Il survécut cinq ans à sa victoire juridique. Il employa les dernières années de sa vie à traduire les livres prophétiques de l’Ancien-Testament avec notes et commentaires. Cet ouvrage est en deux volumes, dont le second ne parut qu’après sa mort. S’il eût vécu, il eût sans doute eu à subir plus d’un assaut des biblicistes anglais. Une pleuropneumonie l’emporta dans les premiers jours de l’an 1870. Il eût été douloureusement affecté par nos désastres, car il avait toujours conservé de vives sympathies pour la France, et il avait vertement blâmé la mesquine jalousie d’un grand nombre de ses compatriotes lorsque notre armée triomphante émancipa l’Italie, à qui l’Angleterre n’avait su offrir que des vœux sincères, mais platoniques. Ses paroissiens, dont il était fort aimé, se cotisèrent pour orner la petite église de Broadchalke d’une fenêtre à vitraux en mémorial de leur pasteur. Ils avaient bien entendu dire qu’il était très hérétique ; mais comme il leur prêchait la douce et persuasive morale de l’Évangile, qu’il était plein de zèle pour leurs écoles, leurs malades, leurs affligés et leurs pauvres, ils n’en avaient pas cru un traître mot.


IV

Depuis les grands débats dont les Essays and Reviews furent l’occasion, la situation de l’église anglicane a changé seulement en ceci que les trois partis qui la divisent, obéissant chacun à son principe, ont toujours plus affirmé leurs prétentions et accentué leurs divergences. Le puséisme, devenu le ritualisme, se donne toutes les peines du monde pour imiter les formes du catholicisme, et il remporte d’incontestables succès auprès de la partie féminine, aristocratique ou désirant l’être, de la population anglaise. L’évangélisme puritain baisse, du moins comme puissance à l’intérieur de l’église établie ; mais il se refait dans le dissent, il se retrempe dans