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d’Angleterre, examinés de près, ne s’opposent pas à une réforme libérale dans ce sens, et il est temps que la liberté règne dans l’église comme dans l’état britannique.

Le contingent du professeur Jowett est une longue étude sur l’interprétation de l’Écriture, qu’il veut simple, naturelle, historique, exempte des procédés arbitraires que l’allégorie, la rhétorique et la passion dogmatique lui ont tour à tour infligés. L’Écriture doit être expliquée comme tout autre livre de l’antiquité, et, puisqu’elle a été rédigée en des temps et par des hommes très différens, il faut tenir grand compte de ces diversités et se garder de la confusion vulgaire qui consiste à croire que l’enseignement d’un Ézéchiel et celui d’un saint Paul sont identiques. Cet essai est surtout remarquable par le grand nombre d’exemples pris dans la théologie courante pour montrer combien de contre-sens les interprétations soutenues par la routine ont popularisés au nom de la Bible. Si les autres essayistes attaquaient l’orthodoxie anglaise en principe, on peut dire que M. Jowett la criblait de censures de détail.

D’un point de vue plus général, M. Pattison avait retracé l’histoire de la théologie anglaise jusqu’au milieu du dernier siècle. La leçon qui ressort de ce tableau est encore la même. Il faut de toute nécessité que la science religieuse en Angleterre se réforme et se transforme. C’est pour elle une question de to be or not to be.

Parlons enfin de l’essai que Rowland Williams avait consacré aux Recherches bibliques de Bunsen. Son but était évidemment d’amener le public anglais, sous le patronage d’un nom très respecté, à s’habituer à la reconnaissance d’une masse de faits relevés par une critique sérieuse et libre appliquée aux livres saints. Le mérite de Bunsen, disait-il, est d’avoir envisagé les questions bibliques avec autant de courage que de savoir. Suivait un résumé des résultats auxquels l’ambassadeur-théologien était parvenu dans ses études prolongées sur l’Égypte et en général sur l’Orient. Dans la Genèse, il ne peut voir d’histoire proprement dite qu’à partir d’Abraham. Il met en pleine lumière l’idéalisme des prophètes hébreux, leur foi profonde, leurs intuitions poétiques, mais il n’a pu chez aucun d’eux découvrir le don miraculeux de prévoir l’avenir. Certains livres curieux de l’Ancien-Testament, tels que Daniel et Jonas, doivent à la critique l’explication satisfaisante, mais très peu orthodoxe, de leurs singularités ; mais au-dessus de ces nombreux détails, qui devaient faire bondir d’indignation les traditionnalistes anglais, plane l’idée, chère également à Bunsen et à son admirateur, qu’il faut élargir l’idée de la révélation et y faire rentrer tout le développement religieux de l’humanité. Dieu n’est pas seulement dans la Bible ou dans l’église, il est dans l’histoire.

Ce qui paraîtra singulier, c’est qu’au premier moment ce volume