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Alpes, entre le premier en Provence à la tête de troupes espagnoles et de lansquenets d’Allemagne. Il a pour lieutenant le terrible marquis de Pescara. Les lansquenets sont commandés par le comte de Hohenzollern, le comte de Lodron et le fils de George Frondsberg, un des chefs les plus redoutés du temps. Bourbon avance sans que rien lui résiste. Vence, Antibes, Cannes, Grasse, Draguignan, Hyères, Brignoles se rendent à lui. Arrivé à deux lieues d’Aix, il somme les consuls de lui livrer la ville. Aix était sans défense, le maréchal de La Palisse s’étant replié sur Avignon ; les consuls lui portent les clés de la ville, Bourbon y entre le 9 août 1524, reçoit la soumission des magistrats et prend le titre de comte de Provence. Dix jours après, il met le siège devant Marseille. Il n’y a pas de plus glorieux souvenir pour la vieille cité phocéenne, et on devait s’attendre que l’historien prendrait un patriotique plaisir à retracer ces grandes scènes. Honneur à Marseille, à son vaillant défenseur Renzo da Ceri, aux capitaines qui le secondent, à tous les enfans de la cité. Chaque nuit, ils réparent les brèches de la veille. Les femmes mêmes, celles du plus haut rang comme les plus humbles, travaillent aux tranchées et aux contre-mines. Bourbon est furieux ; Bourbon, exalté par sa facile conquête des villes de Provence, avait annoncé que Marseille ne tarderait pas à se rendre comme les autres. Qu’on se représente sa fureur devant cette résistance opiniâtre. Le marquis de Pescara, un peu humilié de commander en second ordre, ne lui ménageait pas les épigrammes. Un jour, à quelque distance du lieu où se trouvait le connétable, un certain mouvement s’étant produit à la suite d’un coup de canon qui avait tué deux gentilshommes, il s’approche de Pescara et lui demande quel est ce bruit : « Sans doute, répond l’Espagnol en raillant, ce sont les consuls de Marseille qui vous apportent les clés de la ville. » Pescara ne songeait qu’à mortifier Bourbon ; pour nous, recueillant ses paroles à distance, nous lui savons gré de la mordante ironie qui ce jour-là, grâce à Marseille, vengeait la Provence tout entière.

Le siège de Marseille, commencé le 19 août 1524, avait duré près de deux mois ; le 29 septembre, Bourbon fut obligé de battre en retraite précipitamment. Il fit jeter à la mer des amas de boulets qu’il ne pouvait emporter, ses canons de gros calibre furent enterrés et les autres traînés jusqu’à Toulon pour être embarqués sur des navires. La cause de ce départ précipité, c’était à la fois le découragement de ses troupes et l’arrivée de François Ier, qui s’approchait avec son armée. La Provence fut évacuée plus vite qu’elle n’avait été prise. Le roi entre à Aix le 1er octobre, et bientôt justice est faite des traîtres qui ont prêté serment au traître ; le consul de