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virilement l’office qui lui sera imposé. Nous avons donc jeté les yeux sur le très invincible et très chrétien prince français, par la faveur de Dieu roi des Français, duc de Milan et seigneur de Gênes, qui, par son âge florissant, son habileté, sa justice, son expérience militaire, l’éclatante fortune de ses armes, et toutes les autres qualités qu’exigent la guerre et la conduite de la république, surpasse, au jugement de chacun, tous les autres princes chrétiens. » En dépit de ces belles promesses, le margrave de Brandebourg, comme l’archevêque de Trêves, comme les autres électeurs, donna son suffrage au petit-fils de Maximilien. C’est seulement à la dernière extrémité que le roi très chrétien, voyant ses chances faiblir, conçut l’idée d’écarter le roi très catholique en faisant élire un des princes d’Allemagne. Il aurait dû commencer par là. Quand il s’y résigna enfin, l’heure était passée. Le margrave de Brandebourg ne pouvait plus même compter sur la voix de son frère l’archevêque de Mayence ; quant au duc de Saxe, loin de se prêter à une combinaison qui lui eût donné la couronne, effrayé de l’énormité du fardeau, il prit la parole en faveur du petit-fils de Maximilien. « Notre loi, dit-il, ne nous permet pas d’élire le roi de France, mais elle nous laisse libres de nommer le roi d’Espagne, qui est archiduc d’Autriche et vrai prince allemand. » Cet avis l’emporta. La diète avait commencé le 18 juin ; le 28, les électeurs, revêtus de leurs costumes de drap écarlate et siégeant solennellement, en leur conclave de l’église Saint-Barthélémy, nommèrent Charles empereur sous le nom de Charles-Quint.

Dès lors la rupture de François Ier et de Charles-Quint n’est plus qu’une affaire de temps. Les états du nouvel empereur enveloppaient la France de toutes parts, excepté du côté de l’Océan ; les causes de conflit se retrouvaient au nord et au sud, comme sur les frontières de l’est. Pour ne parler que de l’Italie, François Ier possédait le nord de la péninsule, Charles-Quint en possédait la partie méridionale. Chacun des deux souverains devinait aisément la politique de l’autre. Le roi de France ne devait-il pas songer à s’emparer du royaume des Deux-Siciles en réveillant le parti angevin ? De Milan à Naples la route était facile. L’empereur, remontant la même route et soulevant sur ses pas tous les ennemis de la domination française en Italie, ne devait-il pas concevoir le dessein d’expulser François Ier du Milanais ? Pendant plus de deux années, la lutte se prépare. En dehors des deux grands états dont le choc va ébranler l’Europe, il y a encore deux puissances redoutables, l’une par les armes, l’autre par l’influence, c’est l’Angleterre et le saint-siège ; François Ier et Charles-Quint, avant de tirer l’épée, se disputent l’alliance de Henry VIII et de Léon X. Au mois de juin 1520 a lieu l’entrevue célèbre du roi de France et du roi d’Angleterre au camp