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rien de sérieux, la partie d’Agnès étant écrite dans les cordes élevées du soprano. S’il avait pu être question d’un rôle pour Mlle Bloch, c’eût été de celui d’Isabeau de Bavière, lequel a disparu de la pièce par suite des nouveaux remaniemens.

Dans un mémoire adressé à la commission du budget[1], M. Halanzier s’attaque vigoureusement à ces théories spécieuses à l’aide desquelles on poursuit bien moins l’intérêt vital de notre académie nationale que la réalisation de certains rêves d’intendance générale et de haut protectorat exercé par un seul sur toutes nos grandes scènes subventionnées. « On allègue contre moi, s’écrie-t-il, deux griefs principaux : le premier consiste à dire que je ne suis pas ce qu’on appelle un directeur-artiste, le second vise la situation exceptionnellement prospère de l’Opéra, comme si de ces deux griefs le second ne réfutait pas le premier, étant admis généralement que la prospérité d’une entreprise théâtrale ou autre ne saurait être que la conséquence d’une bonne administration. » Après quoi, le directeur actuel ouvre carrément la discussion et démontre par des argumens clairs comme les chiffres qu’il a fait ce que les autres n’ont point fait. « M. Émile Perrin touchait une subvention de 900,000 francs, moi, j’en ai 800,000 et je m’en contente. Voudrait-on par hasard comparer sa troupe à la mienne ? Commençons, » et tout de suite il vous dresse un tableau synoptique. Vous aviez quatre ténors, j’en ai neuf. Vos soprani, combien étaient-ils ? Sept ; moi, j’en compte seize. Quatre étoiles se partagent l’admiration : la Patti, la Krauss, Christine Nilsson, Mme Carvalho ; sur les quatre, deux m’appartiennent par de longs traités ; des deux autres, l’une s’est fait entendre pour la première fois en français sur la scène de l’Opéra, grâce à mon initiative, et l’autre eût inauguré la nouvelle salle sans une maladie persistante. Ainsi lancé, rien ne l’effraie, il aborde le chapitre de la Stolz, de la Waldmann, et vous parlera même de Verdi. N’a-t-il pas offert au maître d’aller s’entendre avec lui pour monter Aïda ? N’a-t-il pas entre les mains pour appuyer son dire une lettre de l’illustre musicien, qui s’excuse en termes assez médiocrement flatteurs à l’égard des anciennes administrations ? « J’ai été si peu satisfait toutes les fois que j’ai eu affaire avec votre grand théâtre que dans ce moment je ne suis pas disposé à tenter une nouvelle épreuve. Il se peut que plus tard je change d’avis ; mais à présent je n’aurais pas le courage d’affronter encore une fois toutes les tracasseries et les sourdes oppositions qui dominent dans ce théâtre, et, dont je conserve un pénible souvenir. » Que signifient ces mots : sourdes oppositions, tracasseries ? il y a donc des directeurs-artistes capables d’éloigner de notre première scène des hommes de la valeur de Verdi ?

  1. Exposé de ma gestion de l’Opéra, 1874-1875.