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destinées d’un théâtre dont un nouveau directeur devra naturellement prendre à charge de restaurer le brillant passé.

L’Opéra continue à jouir des bénéfices d’une situation exceptionnelle ; on ne s’y endort pas néanmoins, et l’administration travaille en vue des temps où la salle ne suffira plus à faire seule tout l’intérêt et toute l’attraction du spectacle. Les débuts d’été vont leur cours, nous en avons constaté d’assez heureux, les débuts de Mlle de Reszké dans Ophélie par exemple. On nous en promet beaucoup d’autres, ce qui témoigne d’une activité dont le public ne se plaindra pas, condamné qu’il était à ne jamais changer de doublures ; l’ancienne administration avait en effet la mauvaise habitude de stéréotyper en quelque sorte ses distributions de rôles ; une fois les premiers sujets partis, le répertoire tombait inévitablement aux mains du même personnel, et médiocrité pour médiocrité mieux vaut encore voir passer des figures nouvelles, sans compter cette chance qu’on a de découvrir un vrai talent dans le nombre.

La reprise de Don Juan aura lieu vers la rentrée d’octobre ; la Krauss chantera dona Anna, ce grand rôle qu’elle a chanté d’abord en allemand, puis en italien, et qui certainement lui vaudra chez nous son plus beau triomphe. Celle qui fut à Ventadour ce que nous l’avons entendue ne saurait manquer de grandir encore dans la splendide mise en scène qu’on lui prépare avec un don Juan tel que M. Faure et Mme Carvalho pour Zerline. Ensuite viendra le ballet de Sylvia. « Regarde, c’est Endymion et la Lune, » dit Méphistophélès à Faust dans l’intermède des évocations. Autant il s’en peut dire de cette fantaisie néo-grecque dont M. Léo Delibes écrit la musique et qui nous montrera au dénoûment le tableau de Girodet mis en action. Puis, comme il faut que la loi et les prophètes s’accomplissent, la Jeanne d’Arc de M. Mermet fera son apparition. Heureux homme dont la partition arrive ainsi devant le public, déjà grosse de tout un cycle de destinées bruyamment parcourues ! Jeanne d’Arc fut d’abord offerte à M. Perrin, et tout porte à croire qu’elle aurait eu le sort du Noé d’Halévy, que nous avons vu vers la même époque ce pauvre Bizet s’épuiser à parachever en pure perte ; mais l’étoile de M. Mermet voulut que M. Halanzier fût appelé à diriger notre première scène. À dater de cet avènement, plus d’incertitudes, les répétitions commencèrent et se poursuivaient sous les auspices les plus favorables quand l’incendie éclata. M. Mermet reçut le coup en philosophe, et bien lui en prit, puisqu’en définitive aujourd’hui les choses tournent à son avantage. Sa Jeanne d’Arc aura l’insigne privilège d’être le premier grand opéra représenté dans la nouvelle salle, et le rôle principal, sujet de tant de perplexités, sera finalement créé par Gabrielle Krauss. Qui fera la belle Agnès Sorel ? Jusqu’à présent, Mme Carvalho semble hésiter, et son refus déciderait le théâtre à s’adresser à l’une des deux jeunes débutantes qui vont se produire. On a parlé de Mlle Bloch. Ce bruit n’a