Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 10.djvu/597

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résurrection des morts, au jugement dernier, mais non pas aux peines éternelles, se dispensent du baptême et célèbrent solennellement la cène à intervalles irréguliers, selon que l’inspiration le leur commande.

Ceux que l’inspiration saisit sont parfois rudement secoués par un mouvement intérieur avant de prendre la parole ; ils ne s’adressent pas toujours à la congrégation en général, ils parlent souvent à telle ou telle personne pour l’accuser ou l’exhorter. Les avertissemens, les leçons et les prophéties des instrumens sont imprimés annuellement et composent avec la Bible une nombreuse collection d’hymnes et deux catéchismes, l’un pour les enfans, l’autre pour les adultes ; c’est toute la bibliothèque d’Amana. Les mercredis, samedis et dimanches matin a lieu une assemblée religieuse, puis d’autres réunions chaque soir de la semaine ; il y a, outre l’église, des maisons de prière. Les cérémonies du culte sont des plus simples, accomplies avec un extrême recueillement qui se joint à une précision quasi militaire. Chacun prie à son tour. Noël, Pâques et la semaine sainte sont leurs grandes fêtes ; au moins une fois l’an, les anciens font une enquête générale et très minutieuse pour constater l’état spirituel de la société. Chaque membre est examiné à fond ; s’il a péché, on l’exhorte au repentir ; s’il retombe dans la même faute, il est expulsé, de sorte qu’on peut dire qu’aucun vice grave n’existe à Amana. M. Nordhoff ayant demandé quel était le châtiment des ivrognes, on lui répondit que personne n’avait eu à y penser, l’ivrognerie étant inconnue.

Nous avons dit que les repas se prenaient en commun. Chaque membre reçoit pour ses vêtemens une somme déterminée selon son âge et son emploi. Là-dessus, les plus économes trouvent moyen d’épargner ; on le vit au moment de la guerre de sécession, où la société contribua généreusement à toutes les œuvres en faveur des blessés. Ils s’achetèrent des remplaçans militaires à cette époque, mais se le reprochent, ne devant contribuer à rien de sanguinaire et se retirer en général de toutes les affaires publiques.

Un grand nombre d’adhérens leur arrivent sans cesse d’Allemagne ; ils ont une caisse pour aider au transport des émigrans, mais, tenant à être considérés comme une communauté religieuse plutôt qu’industrielle, ne reçoivent de nouveaux membres qu’après un examen approfondi et des épreuves de deux ans, à moins que l’inspiration ne s’en mêle.

Somme toute, ce sont d’honnêtes gens, des fermiers émérites, appartenant pour la plupart aux classes inférieures, d’une intelligence médiocre, prudens, rigides et satisfaits de peu, si c’est peu de chose que l’égalité absolue, la sécurité du lendemain et l’absence d’un maître. Il faut croire que les Allemands estiment ces biens-là