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ils jugent avec sagesse que le goût naturel des femmes les fixe ordinairement au logis, tandis que celui des hommes les emporte au dehors, et qu’il n’y a aucune raison de contraindre ni les uns ni les autres. Le célibat leur impose d’ailleurs certaines précautions ; jamais les frères et sœurs n’ont entre eux aucun contact matériel, ils ne toucheraient même pas un animal sans nécessité ; si par politesse une poignée de main est échangée d’homme à femme avec quelque visiteur étranger, il faut en avertir les anciens avant la prière. Ni les travaux ni les repas ne mêlent jamais les sexes, même dans l’enfance ; ils échangent des visites à intervalles prescrits, et n’ont garde de se départir d’une grande réserve, évitant le bavardage inutile, surtout la médisance. — Si tu n’as rien de bon à dire du prochain, tais-toi, — est une maxime de trembleur. Le costume des femmes est calculé de manière à ne pas les embellir et à rendre les différences d’âge presque insensibles. Il se compose d’un ample fichu, d’une robe toute droite à plis nombreux et d’un bonnet semblable à celui de quelques-unes de nos religieuses, qui cache une partie du visage ; pour sortir, elles y ajoutent un chapeau très profond qui les abrite contre le soleil.

Les animaux favoris sont défendus, sauf les chats, qui détruisent les souris. Fumer est interdit du consentement général, et, bien que la chique soit tolérée, on voit de vieux pécheurs, endurcis depuis cinquante ans et plus dans cette habitude, y renoncer par esprit de mortification. Comme le dit l’ancien Frédéric, « tout le monde n’est pas appelé à la vie divine. » Pour quiconque n’a pas le mépris complet du monde, le régime des trembleurs serait insupportable.

Les membres de chaque famille se partagent les travaux du ménage. Il n’y a pas de domestiques. Dans une communauté, l’essentiel est de savoir toujours où se trouve chacun ; c’est le devoir de l’ancien d’être au courant. Si un frère n’assiste pas à l’office, il doit prévenir l’ancien.

Une grande importance est accordée aux moindres détails. Par exemple pour leurs meetings les frères et sœurs ont des semelles de cuir souple sans clous ni chevilles, afin de ne pas salir ni rayer le parquet poli comme un miroir ; ils se défendent de laisser jamais une miette sur leur assiette en vertu des paroles du Christ : « ramassez ce qui reste afin que rien ne soit perdu, » et sont la proie des mendians, qui reçoivent toujours chez eux, outre la nourriture, assez d’argent pour aller passer la nuit au prochain village, car, règle générale, ils n’aiment pas loger d’étrangers. Leurs manies sont celles de vieilles filles et de vieux garçons. Rien de curieux comme les visites du dimanche soir. Un certain groupe de sœurs est désigné pour rendre visite à un certain groupe de frères : au nombre de quatre à huit, elles s’asseyent en rang d’un côté sur des