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musaraignes, point de carnivores comme les ours, les belettes, les renards, les chats sauvages, point de ruminans comme les chameaux, les cerfs, les bœufs et les chèvres ; cependant herbivores, carnassiers et insectivores sont représentés dans le groupe des marsupiaux. Seuls entre tous les mammifères australiens, les rongeurs et les chauves-souris ne se distinguent en aucune manière de ceux des autres contrées du monde par les rapports des jeunes avec la mère. Des types très caractérisés de différentes classes du règne animal ne sont représentés que sur une partie du globe ; les oiseaux-mouches sont en Amérique et les faisans en Asie. Aux yeux de l’auteur de l’histoire naturelle des États-Unis, tout cela, est l’œuvre préméditée de la puissance créatrice.

Le philosophe de la nature suit avec une prédilection marquée, parmi les types très disséminés sur le globe, les espèces de certains groupes formant des séries dont chaque terme représente un degré particulier de développement. Par une étude des reptiles, « je fus frappé, dit Agassiz, d’un fait très remarquable qu’aucun naturaliste, que je sache, n’avait encore signalé, et dont aucune classe ne fournit un exemple aussi notable[1]. » Examinant dans l’ordre des sauriens les espèces de la famille des scinques, — on en compte une centaine, — il trouve chez ces animaux de curieuses combinaisons offertes par les organes locomoteurs. Certaines espèces ont quatre pattes, d’autres n’en ont que deux, ce sont les postérieures, d’autres sont absolument privées de membres. Ces pattes peuvent n’avoir qu’un doigt ou en avoir deux, trois, quatre ou cinq ; le nombre de ces doigts peut différer entre les membres antérieurs et les membres postérieurs. Or, constate l’observateur, aucune relation n’existe entre la patrie de ces reptiles et les caractères zoologiques. Au contraire les genres les moins voisins se rencontrent souvent dans le même pays, et les types les plus apparentés à des distances très considérables les uns des autres. Le professeur de Cambridge veut éveiller l’attention sur un sujet dont on s’est peu occupé : le rapport entre le volume, la conformation et les conditions d’existence des animaux. Dans la plupart des familles naturelles, la taille des espèces semble contenue dans des limites passablement resserrées ; tous les cerfs, tous les chevaux, ont de grandes proportions ; les musaraignes et les rats sont tous de petits animaux. En général, les espèces aquatiques l’emportent par le volume sur les espèces terrestres dont elles se rapprochent

  1. A cet égard, Agassiz se trompe ; plusieurs années avant la publication du premier volume des Contributions to the Natural History of the United States, il avait été reconnu dans la grande famille des scorpions que les plus notables différences entre les espèces proviennent d’un degré de développement plus ou moins avancé. Voyez Émile Blanchard, l’Organisation du règne animal, classe des arachnides.