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qui doive autant à son talent oratoire. Son extérieur noble, imposant et plein de dignité, son élocution aisée, son geste gracieux, ses périodes bien arrondies et l’heureux emploi qu’il sait faire de ses études classiques, unies à sa profonde connaissance de notre législation, en font l’orateur le plus accompli de notre temps. D’un autre côté, sa conduite montre qu’il se laisse influencer par l’orgueil, disons mieux, par la vanité, par des antipathies personnelles, des caprices de toute sorte, par une naturelle indécision, par mille faiblesses enfin qui naissent de ces défauts de sa nature. Tout individu qui le fréquente habituellement et qui sait flatter à propos sa vanité arrive à le gouverner aisément. »


Suivent de longs détails sur les brouilles et les raccommodemens survenus entre lord Grey, Canning, Lyndhurst, Brougham et lord John Russell. Greville les termine en disant quelques mots sur chacun des ministres en fonctions.


« Melbourne, qui a surpris tout le monde en déployant autant d’activité que de fermeté dans le maniement des affaires courantes… Le duc de Richmond, enfoncé jusqu’au cou dans la politique, ravi de tout, mais de rien autant que de la candeur et du désintéressement de lord Grey… Graham, qui, après avoir été un héros dans sa province, le Cicéron et le Roméo du Yorkshire et du Cumberland, une sorte de Lovelace dans le présent et de Pitt dans l’avenir, est devenu un gentilhomme campagnard patriote, réformateur, financier, toujours beau et aussi agréable, aussi intelligent, aussi instruit que peut l’être un homme lent, pompeux et sans esprit… On assure que Palmerston donne pleine satisfaction aux ministres étrangers et qu’il commence bien. »


Ces jugemens, ainsi qu’on le voit plus tard, ne sont pas définitifs. Greville changera d’avis en s’accusant d’avoir été trop sévère pour Graham, avec qui il était en froid à cette époque, et trop indulgent pour lord Palmerston. Il lui arrive dans la suite des événemens, ainsi que nous l’avons dit, de se démentir, et souvent il convient que ses premiers mouvemens l’ont abusé sur le compte des gens. C’est ainsi que, s’étant montré par momens si sévère pour lord Wellington, longtemps après il s’est cru obligé d’ajouter une note apologétique à l’endroit de son journal où il maltraitait le plus le noble duc. A la vérité, cette sorte de rétractation se termine ainsi : « Après tout, il y a beaucoup de vrai dans ce que je disais là. »

Greville parle encore moins favorablement de sir Robert Peel, dont il ne peut souffrir la politique. Prévoyant sa rentrée aux affaires, car, dit-il malicieusement, « bien sot est le proverbe qui prétend que l’honnêteté est la meilleure des politiques, » il se donne carrière sur le compte du futur ministre.


« Cet homme, dit-il, a le plus grand soin de ne se compromettre en