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il s’était rendu ridicule par ses manières grotesques et par son habitude de se mêler de tout. On ne l’invitait nulle part. Personne ne songeait à lui accorder la moindre marque d’attention. Cela a ainsi duré quarante ans, jusqu’au moment où Canning a songé tout à coup à le nommer grand-amiral… Après la mort de Canning et l’entrée aux affaires du duc de Wellington, on lui retira sa charge, et il retomba dans l’oubli… La mort du duc d’York en a fait l’héritier du trône. Sa fortune s’étant relevée, et ses habitudes étant devenues plus régulières, il a repris quelque crédit. A peine le roi George était-il mort que l’on comprenait déjà que, si la perte n’était pas grande, on n’avait pas beaucoup gagné au change, La presse entière n’a d’ailleurs qu’un cri contre le feu roi, dénonçant ses folies, ses vices, ses méfaits de toute sorte, si nombreux et si éclatant. »


À cette oraison funèbre, Greville ajoute des détails à peine soupçonnés et qui justifient jusqu’à un certain point une telle sévérité. On découvre en effet, après la mort de George IV, des preuves d’avarice poussées jusqu’à la manie, et qui contrastent de la façon la plus singulière avec ses prodigalités sur d’autres points. Ainsi s’explique le peu de respect qui s’attache à sa mémoire. Son successeur a du moins un meilleur naturel, si ses facultés sont médiocres.


« Dans sa nouvelle fortune, dit Greville, Guillaume IV n’a oublié aucun de ses anciens amis ou de ses fidèles serviteurs… Après tout, il a l’air d’avoir un bon cœur et de bonnes intentions… On remarque cependant chez lui d’étranges bizarreries. La nature dut être en belle humeur le jour où elle mit le prince au monde. Il faut croire qu’elle se trouvait dans cette joyeuse disposition qui fait produire à certains grands artistes leurs caricatures les plus comiques. L’étiquette est une chose qu’il ne peut comprendre… Il court sur lui une foule d’histoires inventées à plaisir. Ses aventures, car on ne saurait les nommer autrement, sont une source perpétuelle d’amusement pour ses fidèles sujets. »


Ce monarque débonnaire, qui, au dire de Greville, a toutes les allures d’un gentilhomme campagnard, figure dans le premier dîner officiel, où il dut paraître d’une manière assez caractéristique pour que nous donnions la scène tout entière :


« Hier matin, le roi a annoncé au duc de Wellington qu’il viendrait dîner chez lui, en sorte que le duc a été obligé, au milieu de son déjeuner, d’ordonner tous les préparatifs de ce repas. Dans la matinée, Guillaume IV avait voulu mener à Windsor le roi de Wurtemberg, et, à l’heure où le duc l’attendait, il en revenait seulement, par Hyde-Park. Une foule de personnes à pied et en voiture stationnaient près