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manière de respecter le sentiment national que d’exalter un homme pour ses entreprises contre des Français qui ont affranchi son pays ; mais ce n’est là qu’un détail, un préliminaire. Le véritable objet de M. Louis Blanc est de chanter un hymne à « l’absolu » personnifié en Garibaldi, et un peu aussi représenté par lui-même sans doute, de protester contre la « politique pratique » de ces républicains aveugles de l’assemblée qui ont la simplicité de se payer d’un mot, qui se tiennent tranquilles parce qu’ils ont une apparence de république. Quel est donc l’idéal de M. Louis Blanc ? Quel est le régime qu’il voudrait instituer ? Est-ce la république du banquet de la salle Ragache, où, pour rester en pleine démocratie, on commence par ne pas vouloir de président du festin ? Est-ce la république qu’il inaugurait autrefois au Luxembourg ? Est-ce la république des assemblées tumultueuses et des clubs incendiaires, une république qui ne tiendrait compte ni des intérêts nationaux ni des intérêts conservateurs de la France ? À ce prix, M. Louis Blanc risque fort de n’avoir pas de sitôt sa vraie république, ou si par malheur il l’obtenait, s’il gagnait cette triste victoire, ce serait pour retomber rapidement dans ce cercle de déchaînemens anarchiques et de coups d’état qui a été si souvent la fatalité de la France. M. Louis Blanc peut se moquer des républicains avisés qui n’ont pas des familiarités avec l’absolu. Ceux-ci ont sur lui l’avantage d’avoir compris que la meilleure manière de faire vivre la république, c’était de ne pas l’identifier avec l’agitation en permanence, de lui donner avec des assemblées régulières « un gouvernement qui ne fût pas trop en désaccord avec les traditions, les instincts et les besoins du pays. » C’est M. le vice-président du conseil qui parlait ainsi dans la dernière discussion de la loi des pouvoirs publics en combattant la politique de M. Louis Blanc, et en vérité M. Buffet traçait le meilleur programme du régime actuel.

C’est bien là en effet le moyen le plus efficace d’échapper à l’anarchie et aux coups d’état ; c’est la politique la mieux faite pour rendre vaines toutes ces tentatives du bonapartisme militant et remuant, auquel l’assemblée vient d’infliger une leçon de plus en invalidant l’élection de M. de Bourgoing. On aurait pu, il est vrai, ne point attendre quatorze mois pour en venir là. La commission parlementaire a voulu pousser jusqu’au bout les enquêtes qu’elle avait commencées sur toutes les menées bonapartistes aussi bien que sur l’élection de la Nièvre. La vérité s’est faite, l’élection a été cassée, et le parti est jugé. L’assemblée, il faut lui rendre cette justice, n’est ni révolutionnaire ni bonapartiste. Elle n’a plus aujourd’hui qu’à oublier ses querelles, à finir en paix, en mettant sa dernière pensée et ses derniers efforts dans l’affermissement d’un régime régulier où démagogie et empire ne soient plus que des factions désavouées par le pays.

De tous les grands fracas du printemps, il ne reste plus pour le moment en Allemagne que de vagues rumeurs, des entrevues impériales