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jamais méconnu les liens étroits qui l’unissent aux autres sciences sociales et notamment à la politique, et ils ont volontiers invoqué les faits. Dès que les idées de Smith et de ses disciples ont commencé à se répandre en Allemagne, elles y ont trouvé des critiques qui considéraient non l’accroissement seul de la richesse, mais le progrès général de la civilisation, comme le professeur Lueder et le comte de Soden. Puis sont arrivés List, Stein, Roscher, Knies, Hildebrand, et aujourd’hui c’est une légion : Nasse, Schmoller, Held, Contzen, Schäffle, Wagner, Schönberg, G. Hirth, V. Böhmert, Brentano, Cohn, von Scheel, Samter.


II

Essayons de démêler ce qu’il y a de vrai dans ces vues de l’école nouvelle. Tout d’abord il est certain qu’on n’est pas encore parvenu à déterminer nettement le fondement, le caractère et les limites de l’économie politique, ni ses rapports avec les autres sciences du même ordre. « Dût-il en rougir pour la science, dit M. Rossi, l’économiste doit avouer que la première des questions à examiner est encore celle-ci : qu’est-ce que l’économie politique, quels en sont l’objet, l’étendue, les limites ? » Cette observation est très fondée ; même dans le Dictionnaire d’économie politique, l’écrivain chargé d’en fixer la notion exacte, M. C. Coquelin, ne parvient pas à démêler si elle est un art ou une science. Il veut en faire une science qu’il définit, avec Destutt de Tracy, l’ensemble des vérités qui résultent de l’examen d’un sujet quelconque. Il fait siennes ces paroles de Rossi : « la science n’a pas de but. Dès qu’on s’occupe de l’emploi qu’on peut en faire, on tombe dans l’art. La science en toutes choses n’est que la possession de la vérité, » et M. Coquelin ajoute : « Observer et décrire des phénomènes réels, voilà la science ; elle ne conseille, ne prescrit, ne dirige point. » Pourtant, après avoir accepté cette définition, l’embarras de M. Coquelin est grand, et il l’avoue. Le dictionnaire même où il écrit contient une quantité d’articles, et des plus importans, qui ne se contentent pas d’observer et de décrire, mais qui au contraire conseillent et prescrivent, qui condamnent telle institution, telle loi et en réclament la suppression. L’économie politique ne serait donc qu’un art et point une science ; Il admet qu’elle est à la fois l’un et l’autre ; mais, quand il veut tracer la ligne de démarcation, il arrive à ce singulier aveu d’impuissance : « Essaierons-nous d’opérer dès à présent entre la science et l’art une séparation plus nette en leur imposant des noms différens ? Non, il nous a suffi de marquer la distinction ; le temps et une