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quelques animaux en lui laissant les peaux. Les maladies, sauf la gale, qui diminue le rendement de la laine, sont rares chez ces animaux élevés à l’air libre ; on peut compter sur un produit à peu près sûr et entreprendre cette industrie avec un petit capital et un grand fonds de courage et de patience, certain de recueillir au bout de quelques années le résultat de ce travail obscur.

Celui qui peu à peu, à force de temps, est parvenu à augmenter son troupeau, louant chaque jour une nouvelle étendue de terrain, aspire, bien entendu, à obtenir la propriété du sol sur lequel il a constitué sa nouvelle aisance. Cette acquisition est permise et possible à tous, bien que dans ces dernières années une spéculation mal raisonnée ait porté le prix des terrains hors des-limites de leur valeur intrinsèque. Nous ne parlerons pas de ceux rapprochés de Buenos-Ayres dans un rayon de 8 à 10 lieues : le prix en varie de 4,000 fr. à 200 fr. l’hectare, suivant la situation, ce ne sont déjà plus des terrains propres à l’élevage, ils sont consacrés à l’agriculture. Le vrai rayon de l’industrie pastorale commence à 10 lieues et s’étend jusqu’à 60 et 70 lieues de Buenos-Ayres ; dans cette région, les terrains valent de 50,000 à 150,000 francs la lieue carrée de 2,700 hectares, soit de 18 à 60 fr. l’hectare ; c’est un prix qui permet d’essayer l’élevage du mouton en réservant à chaque troupeau une étendue assez vaste. En s’éloignant encore de Buenos-Ayres, dans des régions de pâturages déjà assez tendres, le gouvernement concède à des conditions fort avantageuses des terrains au prix de 30,000 et même 14,000 francs la lieue carrée, payables en trois ans ou six ans ; mais ces concessions n’ont pas été jusqu’ici une faveur offerte à l’immigrant, elles se font à quelques intrigans, amis du pouvoir, qui ne les revendent qu’à gros profits : aussi est-il plus sage pour celui qui veut acquérir de choisir des terrains déjà peuplés depuis longtemps et mieux préparés pour un élevage sûr et sans risques. C’est en effet souvent une source de déceptions incalculables pour les nouveaux habitans que des essais de colonisation de terrains vierges ; il est arrivé que, trompés par des apparences brillantes, des étrangers ont sollicité des concessions, risqué de gros capitaux sur des terrains neufs pour n’y recueillir que la ruine. Cela est vrai surtout pour les terrains boisés, abondans sur les rivages du Haut-Parana et du Paraguay. Des compagnies ont obtenu ou racheté des concessions de centaines de lieues couvertes de bois, ont engagé dans ces opérations des sommes importantes qui s’y sont englouties sans laisser de traces ; les Bois seuls, disait-on, devaient payer tous les frais de la colonisation, mais devant le prêtée arbre on a vu combien les outils et les hommes étaient insuffisans, que le sol n’avait pas d’assises, et