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la fonte de la glace n’est jamais parfaitement limpide ; dans les expériences, elle donna par litre deux grammes et demi de matières étrangères. La quantité d’air contenue dans, la glace bleue ou blanche fut également déterminée. Lorsqu’on pratiquait des trous en vue de l’observation des températures, Agassiz, s’apercevant que la glace se laissait entamer sans trop de peine, eut tout simplement l’idée de percer le glacier de part en part, moyen sûr, pensait-il, pour savoir s’il est gelé sur le fond ou s’il est détaché du sol. Des tiges de fer formant une longueur de plus de 45 mètres furent montées à l’hôtel des Neuchatelois. Les ouvriers se mirent à la besogne ; à la profondeur de 24 mètres, le perçoir devint trop lourd, un changement de manœuvre était nécessaire, le travail Se trouva suspendu. Au moment de la reprise, quelle ne fut pas la stupéfaction des investigateurs ! Le trou s’était rétréci, le perçoir ne pouvait plus y entrer ; l’opération était à recommencer. Agassiz ne s’affligea point de l’événement inattendu ; il en tirait la preuve manifeste d’une dilatation du glacier. Après un mois de travail, on parvenait à la profondeur de 45 mètres, mais on restait loin d’atteindre le fond. D’autres tentatives n’eurent pas plus de succès, et les naturalistes durent reconnaître que le glacier a une épaisseur beaucoup plus considérable qu’ils ne l’avaient supposé. Les trous servirent aux observations thermométriques. Dans les dernières campagnes, on s’occupa surtout du mouvement du glacier. Des mesures exactes avaient été prises ; le changement était facile à déterminer. L’hôtel des Neuchatelois, au mois de septembre 1841, avait descendu de 64 mètres depuis le mois d’août 1840 ; en septembre 1842, on constatait un nouveau déplacement de 82 mètres, soit 146 mètres en deux ans. Au souvenir des gigantesques travaux d’Agassiz, M. Tyndall, le physicien de l’Angleterre qui dans ces dernières années a fait une foule d’études dans les hautes Alpes, déclare qu’un glacier de l’Oberland bernois reste à jamais mémorable.


IV

Telle était la prodigieuse activité d’Agassiz que ses études si persistantes sur les glaciers ne l’avaient point détourné de ses travaux de zoologie. On avait vu paraître successivement de belles monographies d’échinodermes vivans et fossiles ; on avait vu se poursuivre sans relâche les recherches sur les poissons fossiles. Ces œuvres capitales faisaient l’admiraiion du monde savant. L’auteur n’attendit pas longtemps pour s’en apercevoir ; notre Académie des Sciences lui donnait le titre de correspondant le 8 avril 1839.