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c’est plutôt pour l’exploitation qu’elle peut faire d’utiles emprunts aux chemins de fer étrangers.


II

Les récens débats sur le régime des voies ferrées ont été compliqués et passionnés par l’intervention d’un élément nouveau qui est venu jeter un certain trouble dans l’étude de la question ; il s’agit des chemins de fer d’intérêt local établis en vertu de la loi du 12 juillet 1865. Cette difficulté ne se produit point dans les autres pays, où les voies ferrées sont soumises à une législation uniforme. En Angleterre par exemple, les concessions sont perpétuelles, le trésor public ne fournit aucune subvention, les compagnies grandes ou petites jouissent des mêmes droits, supportent les mêmes charges et sont régies par les mêmes règles au triple point de vue de la propriété, de la construction et de l’exploitation. La distinction que la loi française a voulu établir entre ce qui est général et ce qui est local n’y serait pas comprise. Il faut, pour se rendre compte de l’application de la loi aux diverses branches de notre réseau, examiner l’origine, la nature et les conséquences du mode de concession d’après lequel sont constituées les voies ferrées.

Dès l’origine, l’état, obligé de mettre la première main à l’œuvre, a considéré que les chemins de fer, qu’il allait construire, subventionner ou garantir, devaient être tracés uniquement au point de vue général, pour assurer les communications politiques, commerciales, stratégiques, comme avaient été tracées précédemment les grandes routes nationales. Par leur nature et à raison de la participation du trésor aux frais d’établissement, ces chemins de fer appartiennent au domaine public, l’état n’en a concédé que l’usufruit, il conserve la nue propriété : combinaison équitable et rationnelle ; l’état s’est proposé de créer, suivant l’ordre méthodique et avec le concours des ressources nationales, un grand instrument de richesse et de force, qui demeure à tout jamais la propriété de la nation. Le même procédé sera donc appliqué au fur et à mesure que l’on reconnaîtra dans le tracé d’une nouvelle ligne le caractère d’utilité générale, afin que l’instrument soit toujours homogène et complet.

Cependant, après que l’on eut construit le premier, le deuxième, puis le troisième réseau, le gouvernement se trouva en présence de demandes nombreuses : sur les divers points du territoire, les populations voulaient des chemins de fer. Assurément ces chemins étaient utiles, mais leur utilité n’avait point dans tous les cas ce caractère général, national, qui pouvait justifier un large emploi