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est d’accord, et il n’est pas indifférent de le constater, car, si l’on remontait à l’origine de la législation sur les chemins de fer, on observerait que certains esprits, parmi les plus éminens, n’avaient qu’une médiocre confiance dans l’avenir de l’instrument nouveau que la science apportait à l’industrie des transports. Aujourd’hui les chemins de fer ont pleinement gagné leur cause ; ils l’ont gagnée à ce point qu’ils risquent parfois d’être compromis par l’impatience et par les emportemens de leurs avocats. Dans la polémique actuelle, ils ne rencontrent pas d’autre péril.

Pour l’examen de cette grande question qui présente tant d’aspects divers, les documens ne font pas défaut. En 1871, l’assemblée nationale a institué une commission spéciale qui est demeurée chargée d’étudier tout ce qui concerne les moyens de transport. Cette commission a depuis quatre ans publié de nombreux rapports, soit sur l’ensemble des voies ferrées et des canaux, soit sur les projets de loi relatifs à des concessions nouvelles. De son côté, le gouvernement a continué plus activement ses enquêtes à l’étranger. Un livre très complet de M. Charles de Franqueville, maître des requêtes au conseil d’état, sur les travaux publics en Angleterre, les rapports de M. Malezieux, ingénieur en chef des ponts et chaussées, sur les chemins de fer anglais et sur les travaux publics aux États-Unis, sont le produit de ces enquêtes. A ces écrits, qui ont un caractère officiel et qui contiennent tous les renseignemens législatifs et techniques sur la matière, s’ajoutent maintes publications, livres, brochures, mémoires, où le régime des chemins de fer est exposé et discuté à tous les points de vue. On peut dire que cette littérature, à laquelle les voies ferrées ont donné naissance, mesurerait aisément des milliers de kilomètres. Il ne faut ni s’en étonner ni s’en plaindre. Il s’agit en effet de l’intérêt le plus considérable que notre génération ait à régler, tant pour elle-même que pour les générations à venir. On comprend toutefois que cette profusion d’écrits laisse une certaine confusion dans les idées, et que l’abondance même des argumens contradictoires rende très difficile la tâche du législateur appelé à se prononcer entre les divers systèmes. Aussi paraît-il opportun de resserrer le débat en le limitant aux points essentiels et de rechercher simplement quelles sont à l’heure présente les décisions les plus désirables pour assurer l’extension du réseau ainsi que le perfectionnement de l’exploitation.


I

On sait comment a été constitué le réseau français. Dès l’origine, le gouvernement a tracé, du nord au sud et de l’est à l’ouest du