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de ce moment, c’est l’inverse qui a lieu. Si exorbitante que soit la puissance du père adoptif, il ne peut cependant pas prostituer la fille qu’il a adoptée ; cette spéculation, dont il y a malheureusement des exemples, l’expose à un châtiment sévère à la volonté du juge. On voit qu’il résulte de l’adoption plus de charges que de bienfaits pour celui qui en est l’objet. Il est entretenu, il est vrai, pendant sa jeunesse ; mais le père ne tarde pas à prendre sa retraite, et le fils, alors forcé de le nourrir et de veiller à la subsistance de toute la famille, est en outre exposé à la mauvaise humeur d’une belle-mère, à la jalousie de frères puînés, à l’arbitraire d’un maître qui ne peut voir dans cet héritier qu’une faible image de la nature, enfin à toute sorte d’onéreuses corvées. Aussi est-ce un dicton populaire que, si vous avez trois setiers de riz, il faut vous garder de l’adoption.

La toute-puissance ne suffit pas au chef de famille ; il lui faut encore l’autorité personnelle, l’énergie de l’âge mûr, la vigueur de la santé, la faveur du prince chez les grands, la bienveillance du voisinage chez les petits. L’incapacité ou l’opprobre du chef retomberait sur ceux qu’il dirige ; il faut donc que ce petit monarque puisse abdiquer à propos. C’est à ce besoin que répond une institution curieuse et tout à fait particulière, que nous avons appelée jusqu’ici la retraite volontaire, et qu’il faut étudier maintenant sous son vrai nom d’inkyo (in cacher, kyo demeure). Le mot désigne à lajois la retraite et la personne qui la prend. L’inkyo peut être volontaire ou forcé et s’appliquer tout à la fois aux fonctions publiques et aux devoirs domestiques ou à l’un des deux seulement. Volontaire, il doit être, en ce qui concerne les fonctions, demandé au seigneur tantôt à soixante-dix ans, tantôt à cinquante, suivant les coutumes ; mais les infirmités, la maladie réelle ou prétextée, peuvent avancer cette limite.

Cette retraite peut être requise par la famille quand elle voit l’un de ses membres frappé d’imbécillité, de démence ou de prodigalité ; elle le contraint alors, quel que soit son âge, fût-il même très jeune, à prendre sa retraite, s’il est chef de famille. L’inkyo forcé a lieu en cas de condamnation judiciaire, c’est notre interdiction légale. Sans même qu’il intervienne une condamnation, si les magistrats d’une ville jugent à propos, par mesure de sûreté, de confiner chez lui un prodigue, un homme mal famé, un halluciné ou un contribuable récalcitrant, il est frappé de tikkio-inkyo, interdiction de sortir de sa demeure. En cas d’inkyo forcé, l’incapacité domestique est complète. Quel que soit le caractère de la retraite, elle repose sur une condition essentielle : la désignation d’un successeur. L’ancien chef de famille ne devient pas incapable juridiquement, et, si la puissance paternelle lui échappe, son influence