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LES MOEURS
LE DROIT PUBLIC ET PRIVE
DU JAPON

De toutes les manifestations auxquelles un peuple est conduit par le développement naturel de ses facultés, nulle ne reflète mieux son génie, ne révèle plus clairement son caractère que sa législation. C’est là que chaque nation dépose le secret des tendances et des forces créatrices dont les évolutions constituent sa grandeur ou sa décadence. Tous les monumens de l’histoire romaine eussent-ils péri, nous retrouverions encore dans l’aride lecture du Corpus juris un tableau fidèle de la société qui vivait à Rome, de sa constitution civile et politique, de ses idées morales, de son idéal social. L’histoire du droit peut aussi nous renseigner mieux qu’une sèche chronique sur ce moyen âge japonais qui s’est perpétué jusqu’à nos jours. C’est dans le développement de ses institutions fondamentales que nous nous proposons d’étudier ce peuple si curieux, cette société si complète et si raffinée, où l’Europe retrouve avec surprise le tableau des âges qui ont disparu pour elle. Pourtant qu’on ne s’y trompe pas, le mot droit réveille avant tout chez nous l’idée de la justice absolue appliquée comme principe dirigeant aux actions humaines : c’est ainsi qu’il peut être opposé tour à tour à la force, à l’injustice, à la légalité ; il est à la morale comme une circonférence plus petite, mais concentrique, et, tandis qu’elle nous crée de simples devoirs, il nous impose des obligations. Précise ou confuse, cette notion se trouve au fond de tous les esprits, elle est pour l’homme un élément de son identité morale, et devient l’apanage des hommes libres, des races indépendantes et progressives qui ont marqué chacun de leurs pas dans l’histoire par les perfectionnemens que l’idée du droit a reçus dans leur sein. Chaque grande