Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 10.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

merveilleux phénomènes de la nature, l’envie des richesses pour la seule joie de faire servir la richesse au progrès de la science.

Lorsqu’un homme s’est épris de la recherche et a rêvé la gloire des découvertes dès l’âge le plus tendre, tout s’explique ordinairement par un concours de circonstances : une imagination ardente aura été séduite et dominée par l’exemple. Chez Louis Agassiz, le goût de l’étude semble n’avoir pas eu d’autre origine que le spectacle de la nature. Pasteur du village de Motier, fier de compter six générations d’aïeux ayant fourni des ministres à l’église, le père de celui qui devait acquérir un grand renom comme géologue et comme zoologiste vivait dans la seule préoccupation des devoirs de sa charge, ne songeant guère sans doute pour son fils à une haute destinée.

A l’âge où l’on commence à fréquenter l’école, le petit Agassiz allait au gymnase de Bienne. Dans les promenades, dans les courses de la ville à la maison paternelle, il recueillait les insectes. Le pasteur de Motier quitte le village pour la petite ville d’Orbe sur la route du Jura, l’enfant s’enflamme pour les plantes ; il compose un herbier. Le temps des études classiques est arrivé, le voilà enchaîné à l’académie de Lausanne ; mais, le jour où il dit son dernier adieu à l’établissement d’éducation, la pensée de l’investigation scientifique s’est tout à fait emparée de son esprit. Obligé de songer à une profession lucrative, il se jette dans l’étude de la médecine. Les deux premières années se passent à Zurich, les suivantes en Allemagne ; le jeune homme avait hâte de se familiariser avec les principales langues de l’Europe et d’entendre la parole des maîtres de chaque pays. En 1826, on le trouve à Heidelberg ; un des plus remarquables savans de l’Allemagne, qui a été vers la fin de sa carrière du nombre des associés étrangers de notre Académie des Sciences, Tiedemann, alors dans tout l’éclat du talent, enseignait l’anatomie comparée ; Bischoff professait la botanique, Leuckart la zoologie. Un an plus tard, Louis Agassiz entre à l’université de Munich, où brillaient d’éminens naturalistes : c’est Döllinger, qui, l’un des premiers, sut prévoir l’immense intérêt de la connaissance des diverses phases du développement des êtres ; c’est Oken, remplissant l’Allemagne de bruit. Homme d’une rare pénétration d’esprit, naturaliste hautement estimé pour des vues à la fois fécondes et d’une grandeur singulière, rendu célèbre par des idées philosophiques d’une étrangeté sans pareille, Oken pouvait dire en toute vérité au déclin de la vie : « J’ai eu beaucoup d’élèves, mais un seul m’a compris,… encore ne suis-je pas sûr qu’il m’ait bien compris. » Époque heureuse pour l’étudiant que celle du séjour à Munich ! Une période scientifique commence ; c’est le temps où l’attention des